Réalisation : Michael Powell et Emeric Pressburger
Scénario : Michael Powell et Emeric Pressburger, d'après le conte de Hans Christian Andersen
Acteurs Principaux : Anton Walbrook, Moira Shearer et Marius Goring
Sortie : 6 septembre 1948 (sortie original), 7 avril 2010 (restauration)
Durée : 2h13
Genre : Drame
Sociétés de productions : Independent Producers, Archers Film Productions, The Rank Organisation
Société de distribution : Carlotta (restauration)
Diverses possibilités pour l'ouverture d'un festival sur le cinéma Britannique, le choix pour Les Rencontres du cinéma Britannique qui s'est porté sur l'œuvre culte de Michael Powell et Emeric Pressburger est pertinent à plus d'un titre. Un long-métrage reconnu comme "Le plus beau film en technicolor. Une vision jamais égalée", phrase énoncée par Martin Scorsese lors de sa participation à la restauration mais aussi œuvre fondatrice d'un autre cinéaste américain du Nouvel Hollywood, Brian De Palma. Les Chaussons rouges (1948) est autant une œuvre sur le regard créatif que son cycle de destruction, par le prisme de l'adaptation du conte éponyme du romancier Hans Christian Andersen, racontant comment une création finit par détruire son possesseur. Une ouverture sous le prisme d’un conte vampirique déverrouillant les portes thématiques d’un duo de cinéastes majeurs et influents du cinéma.
Synopsis :
"Boris Lermontov dirige d'une main de fer une troupe de ballet qui porte son nom. Il sait à merveille découvrir et utiliser de jeunes talents, mais il n'admet pas qu'ils puissent lui échapper. Un jour, il engage le jeune Julian Craster et lui confie la réécriture et la composition d'un ballet inspiré des contes d'Andersen. Lermontov pense confier le rôle principal à une jeune femme très douée, Victoria Page."
Analyse :
Les Vampires du ballet
Le long-métrage de Powell et Pressburger est une invitation à entrer dans un autre monde, celui du ballet que les cinéastes articulent comme un conte. Les portes du ballet s'ouvrent, les spectateurs sont invités à s'asseoir et la bascule du contre-champ au travers des yeux du spectateur sur une création de Boris Lermontov (Anton Walbrook). Cette ouverture de long-métrage est un codex du langage powellien, l'observation du spectateur est intimement liée à la caméra, les images qu'elles créent et témoignent d'une destruction. Si les spectateurs sont témoins des créations, Lermontov est autant le bâtisseur que le déprédateur, en prenant sous son emprise la jeune Victoria Page (Moira Shearer), rêvant de grandeur sur les parquets. Apparaissant dans l'ombre et se cachant derrière les rideaux en hauteur, Lermontov est le vampire de l'histoire, observant l'emprise de son œuvre, sous une recherche de regard par Page, les regards d'emprise et de prédation sont en marche. Julian Craster (Marius Goring), entendant que sa partition lui fut substituée, rêve aussi de gravir les marches du succès. Les griffes du comte Lermontov se resserrent, par ses ballets et les compositions créées par sa main d'œuvre, le personnage sera toujours en haut d'une tour, dans un bureau, tel un chef d'entreprise.
De l'autre côté de la création
Les créateurs pour le duo de cinéastes sont des enchanteurs autant que des destructeurs, observant leurs victimes sous l'œil des œuvres, par le prisme de la vision subjective du spectateur. Lorsque Michael Powell entame sa carrière solo avec Le Voyeur (1960), l'emprise n'est plus exercée par l'art du spectacle mais directement par le cinéma. La caméra est l'outil du meurtre et sa capture, dès son introduction dans la vision subjective de l'objectif, la vitalité d'une création est par la capture de la lente agonie. Dans Les Chaussons rouges, le technicolor trichrome étant l'outil pour entrer dans un conte notamment dans la sublime séquence de représentation du ballet éponyme, les couleurs composées en trio sont aussi un piège se refermant sur la Cendrillon aux pantoufles rouges. La composition du spectacle sur trois plans au sein de son image, les arrière-plans fantastiques, les personnages et les chaussons prenant possession de Victoria Page au fur et à mesure. Les deux personnages masculins refermant leur emprise sur Page, par leur conflit artistique tiraillant la jeune femme. La couleur du grand Jack Cardiff exprime l'emprise, le sortilège trichrome dans la célèbre séquence de la représentation du ballet Les Souliers Rouges, l'adaptation du conte d'Andersen de 1845, deux œuvres de possessions s'enclenchent. La robe blanche de Page, les costumes noirs de Lermontov et Craster et le décor se fondant l'un sur l'autre, la Cendrillon (1697) aux chaussures rouges basculant de l'autre côté du miroir (1871).
Le sortilège du technicolor
Les Chaussons rouges est l'ouverture vers un cinéma plus fantastique de la part de Michael Powell et Emeric Pressburger, entamé avec Une question de vie ou de mort (1946). Le langage du regard conscient du spectateur sur la création et la caméra est la frontière de cette vision de destruction, influençant diverses filmographies de cinéastes reconnus et portant le chef d'œuvre de Powell et Pressburger en estime. De Brian De Palma avec Blow Out (1981) et son ingénieur du son capturant l'œuvre d'une vie et de la mort que de La Valse des pantins (1982) de Martin Scorsese et les rêves de grandeurs promulgués par les arts du spectacle.
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