[CRITIQUE] Blood Star : Flic ou voyou ?
- Skullkid
- 11 déc. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 déc. 2024

Réalisé par Lawrence Jacomelli
Ecrit par Lawrence Jacomelli, Victoria Hinks Taylor et George Kelly
Acteurs principaux : Britni Camacho, John Schwab
Durée : 1H29
Genre : thriller, horreur, survival
Sociétés de production : Beast Branded Content, Fastback Films
sortie en salles : 11 décembre 2024
Premier film de la compétition officielle du PIFFF 2024, Blood Star ne paye pas de mine avec ses apparats de survival tout ce qu’il y a de plus classique. Pourtant, le premier long-métrage de l’Anglais Lawrence Jacomelli parvient à tirer astucieusement son épingle du jeu malgré certains défauts de premier film.
Synopsis :
Bobbie (Britni Camacho) traverse le désert du Nouveau-Mexique en voiture pour rejoindre son petit ami après que celui-ci l’ait frappée. Sur la route, elle tombe sur l’étrange sheriff local. Entre eux va s’installer un pervers jeu du chat et de la souris.
Critique :
Quand t'es dans le désert
La recette est facile. Une personne fragile et étrangère en passage dans un milieu hostile confrontée à une menace qui à l’avantage du terrain. On a déjà vu ça depuis Massacre à la Tronçonneuse (1974) ou La Colline à des Yeux (1977).
Qui plus est, le terrain en question est évidement les plaines arides du sud des Etats-Unis, un décor qui a souvent été utilisé par ces survivals, que Blood Star souligne en mélangeant lors du générique introductif les noms des comédiens et techniciens du film et les toponymes de ces fameux cinquante états. Pourtant, Jacomelli n’en démord guère. Comme il l’a expliqué au public du festival, le film devait se situer en Amérique malgré le fait que les initiateurs du projet soient britanniques. On pourrait craindre que le récit ne s’enlise dans un marasme référentiel comme nombre de premiers films mais, s’il n’est pas ici question de révolutionner quoi que ce soit, de légers twists parviennent à conférer une originalité sympathique à Blood Star. On ne le dira jamais assez : l’intérêt d’une histoire ne réside pas dans son sujet mais dans le traitement de celui-ci !
Ainsi, le film quitte les sempiternelles années 1970 pour épouser son époque de production. Les thèmes du patriarcat et des rapports entre les genres sont prégnants (thématiques qui semblent d’ailleurs irriguer la majorité de cette édition du festival parisien) de même, évidemment, que la question de l’autorité mais nous y reviendrons.
Pour l’heure, il faut saluer le travail de Jacomelli sur la direction artistique, son film prenant parfaitement acte du sublime et de l’étrangeté de ses décors : une route au milieu de rien, avec sa traditionnelle pompe à essence, son sempiternel dîner et ses éternels camionneurs. Des motifs certes clichés vus par un étranger, mais qui gardent leur charme.
Mais il faut parler de l’éléphant dans la pièce désormais ; ce qui fait la grande force du film, c’est son méchant.

Sheriff fais-moi peur
Comme leurs pendants plus urbains les slashers, les survivals ont grand intérêt à rendre “meilleur” leur méchant comme le voudrait le commandement d’Hitchcock. Et sur ce point, les scénaristes Lawrence Jacomelli, Victoria Hinks Taylor et George Kelly s’en sont donnés à cœur joie.
Le sheriff Bilstein donc, délicieusement interprété par John Schwab, est ce genre de personnage, un peu comme Art le Clown des Terrifier, à qui on croirait voir lister tout un tas de petits détails morbide sur son sinistre mode opératoire qui le rendent aussi cruel qu’imprévisible et divertissant. Le tout savamment distillé pour éviter l’étalage ou l’overdose.
Plutôt court, le film nous épargne les simagrées en allant droit au but : on sait très rapidement que ce type n’est pas sûr, tout comme notre protagoniste s’en méfiera assez tôt. Il n’est pas sans rappeler un autre sheriff sadique de la pampa étatsunienne qu’est le personnage interprété par R. Lee Ermey dans le Massacre à la Tronçonneuse de Marcus Niespel (2005).
Cependant, différant d’Art le Clown est même du frère aîné de Leatherface (qui n’a autorité que sur son clan cannibale et dont on apprendra dans un prequel de sinistre mémoire qu’il usurpe l’uniforme), Bilstein est un vrai sheriff et donc une figure d’autorité légitime. Il est connu des locaux (qui ne sont pas forcément ses complices). Ceux-ci trouvent certes qu’il est un peu bizarre mais il faut bien quelqu’un pour faire régner l’ordre, pas vrai ? Et là, on entre dans un tout autre registre en terme de propos. Le mal n’est plus une personne extérieure ou un complot caché, il est littéralement là, déjà en place, tout le monde sait qu’il est malveillant mais personne ne pense qu’il ira aussi loin (lourd de sens en ces temps troubles de montées de l’extrême droite).
Mais notre flic déviant n’agit pas par pur sadisme, du moins le croit il. Il sera révélé dans un acte tardif du film qu’il semble animé par la pensée incel, une mouvance qui s’étend dans la société mais peine à se voir représentée avec justesse dans la fiction. Là, on voit les dégâts que peuvent causer la haine des femmes quand on remet l’autorité de certains en question. Non seulement c’est intéressant in fine mais en plus cet élément sert aussi bien de rebondissement scénaristiques que de lien thématique qui permet de donner une autre dimension aux malheurs de Billie. Autre terme actuel, l’attitude du sheriff n’est pas sans évoquer le concept de gaslighting.
Alors bien sûr Blood Star souffre de défauts. Des problèmes de rythme principalement, avec ses expositions peu subtiles et sa fin qui traine en longueur. Mais l’accent est mis sur l’efficacité et, en ce sens, c’est une série B solide qui parvient à tenir l’ouverture de cette compétition officielle. Hâte de voir la suite du travail de Jacomelli !

La note du rédacteur : 3,5/5
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