[RETRO] The Manxman : Territoire interdit
- Adam Herczalowski
- il y a 3 minutes
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Réalisation : Alfred Hitchcock
Scénario : Eliot Stannard, d'après le roman de Sir Hall Caine
Photographie : Jack Cox
Montage : Emile de Ruelle
Acteurs Principaux : Carl Brisson, Malcolm Keen, Anny Ondra
Sortie : 1929 (sortie originale), 2 avril 2025 (restauration)
Durée : 1 h 45
Genre : Drame
Société de production : British International Pictures Ltd
Société de distribution : Carlotta (restauration)
Critique :
Après un film d'ouverture de l'année précédente sur le plus important duo du cinéma britannique (Powell et Pressburger), la tradition d'un grand nom se perdure en se portant sur le dernier film muet de la carrière d'Alfred Hitchcock The Manxman, dont l'intrigue, à l'image de son titre se situe sur l'île de Man, territoire situé à la frontière entre l'Angleterre et l'Irlande. Un film à l'image de cette deuxième édition pour les Rencontres du Cinéma Britannique centrée sur la thématique des "Territoires Unis” se penchant sur les courts, moyens et long-métrages filmant les paysages excentrés de la capitale britannique. The Manxman ou dans sa traduction française L'Homme de l'île de Man raconte l'histoire de deux hommes amis depuis l'enfance, Pete Quilliam (Carl Brisson) marin et pêcheur et l'avocat issu d'une riche famille Philip Christian (Malcolm Keen). Ils sont amoureux de la même femme, Kate Cregeen interprété par la première muse blonde hitchcockienne Anny Ondra. Avant de partir faire fortune en Afrique, Pete fait promettre à Kate de l'attendre, mais son cœur est épris de Mr Christian, ayant promis à son ami d'enfance de veiller sur elle. Veillant d'abord sur la promise de son meilleur ami, à l'annonce de la possible mort de celui-ci, Philip devient l'amant de Kate. Le bonheur va vite s'estomper quand Pete finalement vivant va rentrer sur l'île et réussir à obtenir l'accord du père de Kate d'épouser cette dernière, les deux amants essaieront de dissimuler cet amour impossible.

Inaccessibilité hitchcockienne
Au premier abord, ce mélodramatique classique, porté par de redoutables champ contrechamp serait éloigné du sel hitchcockien a base de meurtre, perversion, l'interdit Au-delà, d'être le porte-étendard de la dernière graine du cinéma d'Alfred Hitchcock à savoir le mensonge, les autres ingrédients sont également présents et en phase de recherche identitaire. La perversion de cet amour impossible entre Philip et Kate est inséminée par le cinéaste dans les divers regards secrets en champ contrechamp. Notamment dans la remarquable séquence d'escale nocturne à la fenêtre (une sorte de territoire) de la femme promise. Au-delà de franchir l'interdit de la rencontre hors du regard patriarcal, et laissant entrevoir un regard fuyant vers le bas adressé à un Phillip portant son meilleur ami sur ses épaules. Si cette séquence ironise l'amour de longue date porté à une jeune blonde, de la part d'une personne issue d'un territoire où toutes les personnes se connaissent.

Falaises du mensonge
C'est une autre terre (symbolique) que foule Hitchcock et ses personnages, celle de l'interdit, celui qui portera l'amour secret vers la trahison et du meurtre (encore une fois symbolique) de l'amitié entre Philip et Pete. Un meurtre engagé dès le regard également amoureux que portera Philip envers Kate, puis réciproquement par la concernée. Passant de mots doux dans un carnet où le nom de famille devient le prénom, à une lettre annonçant une mort qui devient une joie pour le couple shakespearien, et un acte d'amour dans une cabane isolé, filmé au travers d'un mécanisme en marche, affiliation au meurtre filmé comme une scène d'amour cher au cinéaste britannique, signant la mort, le meurtre d'un amour presque fraternel. Cette mort symbolique sera au cœur des divers mensonges que porteront le couple secret au près de Pete, représentant d'un garçon naïf, n'apercevant pas avant le procès les divers regards coupables de sa femme et de son ami. Un caractère volontairement grossi de la part de Hitchcock, part un mariage ayant lieu dans la même cabane, où l'acte amoureux interdit fut produit, dont l'ironie du sort sera le discours sur la fidélité énoncé par le père de Kate Le sort s'acharnant sur les amoureux shakespearien donnera naissance à un enfant, symbole d'un péché dont la provenance devra être caché. Le venin hitchcockien s'émisse alors dans les conversations, les rencontres en secret, un suicide avorté… Dont l'antidote sera un procès, le jugement de purification, qui sera dans le futur cinéma du maitre du suspense par la mort littéral ou symbolique des protagonistes (Judy dans Vertigo ou Marion Crane dans Psychose) où toute la vérité éclate, les regards complice, deviennent des jugements, des rejets, de la haine et des regrets.

Prisonnier d'un regard coupable
La note du rédacteur : 3,5/5
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