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[CRITIQUE] Dune, deuxième partie : Assimilation partielle

Dernière mise à jour : il y a 5 jours



Réalisation : Denis Villeneuve

Scénario : Jon Spaihts, Denis Villeneuve et Graig Mazin

Acteurs Principaux : Timothée Chalamet, Zendaya et Rebecca Ferguson

Sortie : 28 février 2024

Durée : 2h46

Genre : Science-fiction

Sociétés de productions : Legendary Pictures et Villeneuve Films, Warner Bros.

Société de distribution : Warner Bros

 


Introduction :


Portant l'étiquette maudite "d’œuvre inadaptable", le roman de Frank Herbert mis à l’écran notamment par David Lynch, fit son retour en 2021 sous la caméra du cinéaste canadien Denis Villeneuve pour un résultat en demi-teinte. Le film qui fut renommé rapidement « Première partie » était à l’image de cette appellation. Une longue introduction avec une grande maîtrise technique manquant malgré tout d'émotions dans un laborieux parcours pour ses personnages. Le cinéaste se retrouvant dépassé par l’immensité de l’œuvre et se rattachant à ses lignes pour en dérouler son récit. Accueilli en grande pompe par le public et la critique, cette "Deuxième partie" s’est faite attendre, reste à savoir si Villeneuve va véritablement réussir a parcourir les dunes de l'adaptation. 


Synopsis :


"Paul Atréides se rallie à Chani et aux Fremen tout en préparant sa revanche contre ceux qui ont détruit sa famille. Alors qu'il doit faire un choix entre l'amour de sa vie et le destin de la galaxie, il devra néanmoins tout faire pour empêcher un terrible futur que lui seul peut prédire."

 

Critique :


Transcender l'essai ?


Le film débute quelques heures après la fin de son prédécesseur qui se concluait sur un Paul Atréides (Timothée Chalamet) ayant commis son premier meurtre pour rallier le clan des Fremen. Le film opère déjà un acte antithétique à son prédécesseur en nous plongeant au plus près de ses personnages : en plein apprentissage des coutumes du peuple des dunes de sables. Dans une séquence orangée éclatante de maitrise, gestion et interaction des corps dans l'espace. Villeneuve rapproche sa caméra nous montrant des actions pour survivre dans le désert, là où dans le premier opus cela s'apparentait à une promenade, citant une énième fois Lawrence d'Arabie (1962) de David Lean par le gigantisme d’un décor de sable supplantant ses personnages.


Ce second opus est l'occasion pour son protagoniste d'arpenter le passage à l'âge adulte au cours des différents rituels parcourant la première heure du long-métrage. Nous dévoilant la panoplie de personnages qui étaient présent durant le dernier tiers de son prédécesseur. Chani (interprétée par une Zendaya rayonnante) se dévoilant être le cœur émotionnel du récit, par l'histoire d'amour certes mécanique dans sa progression mais passionnante dans son discours sur les générations. Si Paul traverse les méandres de son titre de prophète (Lisan Al Gaib), aux yeux d'une ancienne génération incarnée par Stilgar (Javier Bardem). Un personnage très caricatural (pas aidé par le surjeu de son comédien) et une terrifiante Dame Jessica (Rebecca Ferguson). Chani est le regard de la jeunesse d'un cœur familial et non d'une croyance, renouvelant avec pertinence l'un des messages de l'œuvre de Frank Herbert : le fanatisme religieux.


 Dompter le désert !


Dune : deuxième partie, va constamment confronter ses personnages sur leurs objectifs. Autant le conflit maternel entre Jessica et Paul sur la stature de dieu qu'elle propage, que le clan Fremen avec Chani et Stilgar sur cette figure du guide vers un futur sombre, énoncé dans le précédent opus avec des flashforwards faisant leur retour. Un combat générationnel sur une destinée messianique sanglante contre laquelle Paul se débat avec lui-même pour l'empêcher. Une relecture du mythe de Joseph Campbell et de son Héros aux mille et un visages (1949), dans un désert aux milles dangers dont il acquiesce le langage et la capacité le rapprochant de son destin fatidique. Le personnage féminin est là pour l'extirper de toute la violence naissante d'un personnage, traversant le désert de la mort de son innocence pour devenir adulte et les ambiguïtés morales que cela implique.


Si cette surcouche appliquée au matériau d'origine est appréciable, Villeneuve se démène encore et toujours avec l'exposition verbale des enjeux de son récit. Il se retrouve totalement dépassé par l'ampleur de l'univers qu'il doit mettre en image. Le film est contraint d'illustrer l'apprentissage de Paul au détour de scénettes plastiquement impeccables, parvenant à peine à retranscrire la longue traversée du désert subie par son personnage. Le triste exemple étant l'ultime traversée du protagoniste avant de devenir un Fremen, éclipsé par une transition vers son accomplissement : il n'en reste que le regard inquiet de Chani dont la perspective éloigne nos amoureux. Agencé par un montage frénétique parvenant à peine à retranscrire les évènements, pressé par le reste de la longue épopée du premier livre. L'ensemble de ce premier acte certes précipité malgré sa place prédominante dans le récit vers l'apprentissage. Nous plonge dans un conflit générationnel d'actualité, pouvant trouver une forme de résonance lointaine aux événements du 7 octobre 2023, dans une lutte entre la jeunesse féminine et la vieillesse masculine dans des idéaux opposés.


Projet trop vaste ?


Ambition démesurée, univers assommant


Si l'opposition est un des moteurs de Dune : deuxième partie, le film met également les différents camps en miroir, que ce soit Paul et Feyd-Rautha (Austin Butler), grand absent du premier volet et antagoniste se dressant sur la route du protagoniste. Son introduction se fait lors d'un combat de gladiateur sur la planète Giedi Prime dans un noir et blanc, illustrant un monde détruit par la civilisation et la technologie, en opposition avec le soleil de Arrakis. Ce spectacle fêtant la dix-huitième année du neveu du baron Vladimir (Stellan Skarsgård), dans un passage à trépas d'une personne autour d'un spectacle comme pour le faux climax de la première partie. L'analogie entre les deux clans en guerre est prolongée par les décors et leur analogie occidentale (Romaine pour les Harkonnen) et orientale (Mulsulmane pour les Fremen). Montrant un empire voulant envahir un territoire désertique étant la source de convoitise des grandes puissances galactiques, autant pour le baron Vladimir que l'empereur Shadamm IV (Christopher Walken). Rappelant les conflits contemporains autant l'Irak, connue sous le nom de seconde guerre du Golfe (2003-2011) que la guerre russo-ukrainienne (depuis 2014), rattachant encore une fois le récit de Herbert à notre actualité.


Des adolescents en miroir !


Malgré ces analogies toutes aussi pertinentes qu'elle sont, le long-métrage traine avec poids le vaste récit lui restant à porter à l'écran. Autant le conflit intérieur de Paul que les nouveaux personnages (dont un que nous garderons secret), notamment la fantomatique princesse Irulan (Florence Pugh) faisant diverses apparitions au côté du tout aussi invisible empereur Shadamm IV. Évoquant guère les questionnements de sa fille en conflit paternel, dont un parallèle est dressé dans l'introduction avec sa narration en voix off, supplantant celle de Chani pour la Première partie. Constat identique pour ce nouvel antagoniste dont le miroir avec Paul est mis en retrait pour un inintéressant conflit de brouhaha avec Glossu Rabban (Dave Bautista).


On aperçoit la limite de l'exercice d'adaptation entreprit par Denis Villeneuve depuis son premier opus. La narration est régulièrement prise dans un embouteillage avec le texte originel, dont il en reprend les tirades mais n'exploitant quelques moments de narration visuelle de sa situation, de ses conflits, des dualités miroirs. Le long-métrage se cantonnant sous diverses conversations étant moteur à l'avancée du récit, dont la plasticité visuelle toute foi impressionnante ne parvient pas à écrire les conflits, situations. Embourbant son film dans une succession d'images parfaitement calibrées, créant une fausse complexité, un montage tentant de régurgiter la puissance psychédélique de son support d'origine, sa multiplicité des points de vue jonglant entre les situations. Denis Villeneuve parvient toutefois à créer un spectacle satisfaisant, loin des consensus visuels de l'industrie mais aliéné, dépassé par le récit, se terminant alors par une énième promesse et une trahison nécessaire. Nous interrogeant alors sur la suite, son envol loin des lignes arides de Frank Herbert dans un cliffhanger pour le coup proche de l'industrie du divertissement actuel.


La plasticité au mépris du discours ?


Conclusion :


Dune, deuxième partie est donc plus resserré sur l'humain et son récit messianique. Denis Villeneuve s'amuse à dessiner les contours avec Chani mais se perd encore dans l'agitation mécanique et littérale du texte de 1965, se retrouvant enchaîné par son immensité psychédélique. Une suite convaincante dans les diverses paraboles à notre actualité, embourbé dans des échos visuels parfaitement calibrés, ne sortant véritablement de la tempête de sable qu'est Frank Herbert dans sa conclusion qui n'est qu'une énième promesse.



La note du rédacteur : 3/5




 


L'avis des autres rédacteurs :






 

 


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