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Photo du rédacteurAdam Herczalowski

[CRITIQUE] Furiosa : Une saga Mad Max - Ève à la reconquête du jardin !

Dernière mise à jour : 8 juin


Réalisation : George Miller

Scénario : George Miller et Nico Lathouris

Acteurs Principaux : Anya Taylor-Joy, Chris Hemsworth, Tom Burke

Sortie : 22 mai 2024

Durée : 2h28

Genre : science-fiction post-apocalyptique

Sociétés de productions : Kennedy Miller Productions et Village Roadshow Pictures

Société de distribution : Warner Bros



George Miller ressortait du garage après une trentaine d'années d'absence la saga Mad Max avec Fury Road (2015), réinvention expérimentale tenant sur une course poursuite survoltée de deux heures. Le personnage matriciel de l'iconographie du genre post apocalyptique devient mutique et le combat de la survie est substitué pour la libération féminine. Le cinéaste cherchant toujours l'innovation autour de l'universalité des histoires, du conte enfantin aux dimensions écologiques avec Happy Feet (2006), en passant par le trio de sorcières contre le patriarcat avec Les Sorcières d'Eastwick (1987) ou les contes de Milles et une nuits aux frontières de l'espace et le temps avec Trois mille ans à t'attendre (2022). Cette fois-ci, Miller explore le prequel du personnage de Furiosa (Anya Taylor-Joy), interprété dans Fury Road par Charlize Theron. Un pari audacieux tant par le risque de détruire les mystères de l'Imperator que de tomber dans la redite du long-métrage précédent.


Synopsis :


Alors que le monde s'écroule, la jeune Furiosa tombe entre les mains d'une horde de motards dirigée par le seigneur de la guerre Dementus. En traversant le Wasteland, ils tombent sur la Citadelle présidée par Immortan Joe. Alors que les deux tyrans se battent pour la domination, Furiosa doit survivre à de nombreuses épreuves pour trouver le moyen de rentrer chez elle.

 

Critique :


Construire le mythe


La première action du personnage de Furiosa, interprétée par la jeune Alyla Browne pendant une partie du film, est de prendre une pomme de son arbre. George Miller instaure le début d'un conte se déroulant dans un jardin d'Éden bâti après l'apocalypse, une histoire parsemée de classicisme dans son découpage en 5 chapitres et le déroulé de la jeunesse du protagoniste jusqu'au début de Fury Road. Le cinéaste est fasciné depuis les prémisses de sa filmographie à la mythologie de ses personnages, Max Rockatansky dans la première trilogie (Mel Gibson) était le héros solitaire campbellien devenant un mythe aux yeux du Wasteland. Ce préquel reprend le cheminement décrit dans l'essai Le Héros aux mille et un visages (1949), en remplaçant le héros masculin par une représentation de Ève privé de son jardin bâti de ses mains. Furiosa est présentée dans son environnement initial, un jardin verdâtre, le commencement du périple est enclenché par Dementus, interprété par un Chris Hemsworth en pleine possession de ses moyens. L'antagoniste est dévoilé comme un gourou d'une secte masculine portant une cape blanche et un ourson en peluche, une dichotomie pour un personnage devant montrer une autorité dans un monde de violence et de possessions des ressources d'autrui. Le pillage du jardin d'Éden par Dementus est la source du départ de l'héroïne campbellienne à la suite de la crucifixion de la gardienne des terres vertes et mère de Furiosa. Ce préquel est construit en différentes séquences à l'iconographie mythologique dont George Miller a le secret : la perte du bras, le climax Leonnien entre Furiosa et Dementus substituant les revolvers aux dialogues « Est-ce que tu as ce qu’il faut pour devenir un mythe ? ».


Eve prenant le fruit pas défendu !


Le tour de force de George Miller est de bâtir les prémisses universelles de son protagoniste pour déployer deux combats, s'immisçant au gré du long-métrage se déroulant sur une décennie. Furiosa est spectatrice du monde dont le vert chatoyant est substitué à l'aridité du Wasteland, usant des sublimes couleurs vives (antithétique à Fury Road) hérité de Trois mille ans à t'attendre, le nouveau monde observé est en guerre de territoire. Dementus et Immortan Joe (Lachy Hulme) sont les dieux du Wasteland, ils sont vénérés par des adeptes (Les War Boys pour Immortan), prônant la possession masculine, leurs cultes respectifs ne sont composés que d'hommes. La similarité est telle que les deux personnages détiennent des femmes en captivité, ils sont en possessions de territoires produisant les ressources premières, Gaz Town et Bullet Farm pour Dementus. Les antagonistes peuvent pour autant être assimilés à des hommes politiques, tant par la gestuelle et l'oralité constante pour Dementus, parlant à ses fidèles avec un micro et Immortan Joe utilise des porte-paroles. Le liant avec le contemporain est accentué lors d'un fondu enchaîné sur le conflit entre les deux factions masculines et un narrateur contant les guerres passées, futures et fictives. Le passage de Trois mille ans à t'attendre entre la conception de Fury Road (2015) et Furiosa (2024) est adroit, George Miller devient par sa mise en scène un conteur d'une mythologie qui lui est propre. Le cinéaste australien se paye le luxe de décalquer différentes scènes de la saga originelle (1979-1985), notamment la scène d'action de l'opus de 1981 en greffant une dimension terrestre et aérienne.


"The Dementus Show"


Monte-Cristo dans le Wasteland


Si Furiosa est mutique, comme Max Rockatansky (Tom Hardy) dans le précédent opus et spectatrice du conflit futile entre les gourous, la protagoniste va devenir au fil du temps actrice et prendre les armes pour reconquérir l'Éden perdu. Comme Edmond Dantès, le héros du roman Le Comte de Monte-Cristo (1844-1846), elle est faite prisonnière pendant de nombreuses années par Dementus puis Immortan Joe, a connaissance d'un trésor (une graine) et elle va s'infiltrer au sein d'un système pour en détruire le cœur. Si la structure du roman de Alexandre Dumas est un parallèle décelable, c'est l'ingéniosité de George Miller pour déployer la multiplicité d'histoires pour nourrir ses mythes. Il est notamment le père d'œuvres ayant comme modèle son "Road Warrior", notamment Hokuto No Ken de Tetsuo Hara et Buronson, avec son héros masculin Kenshiro qui est un duplicata de Max Rockatansky. Des deux œuvres aux racines du mythe masculin, le cinéaste déploie un grand récit féminin où pour se cacher du regard masculin, Furiosa doit changer d'apparence, se transformer en guerrière comme ses homologues masculins (peinture de guerre, cheveux coupés, …). Elle s'infiltre dans un système désuet, contrôlant les ressources, la vie des survivants (les kamikazes War Boys, …), les territoires. Furiosa devenant alors pour George Miller une Ève qui va reprendre le jardin d'Éden subtilisé des années auparavant par des hommes cupides, "I want them back (Je veux qu'ils reviennent)".


Furiosa Warrior


Avec ce nouveau tour de force qu'est Furiosa : Une saga Mad Max, le conteur George Miller dresse, en écho avec multiples histoires, le conte en 5 chapitres d'une femme (Eve) mutique, privée de son Eden, substituée pour une domination masculine sénile. Parachevant la destruction de l'héritage masculin en dressant une nouvelle route mythologique, celle d'une reconstruction d'un monde verdoyant substitué aux dieux cupides.

 

La note du rédacteur : 4,5/5


 

L'avis des autres rédacteurs :


 

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