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Photo du rédacteurAdam Herczalowski

[CRITIQUE] Kinds of Kindness : Yórgos Lánthimos présente Yórgos Lánthimos


Réalisation : Yórgos Lánthimos

Scénario : Efthýmis Filíppou et Yórgos Lánthimos

Acteurs Principaux : Emma Stone, Jesse Plemons et Willem Dafoe

Sortie : 26 juin 2024

Durée : 2h45

Genre : Comédie noire

Sociétés de productions : Element Pictures, Film4 et Searchlight Pictures

Société de distribution : Searchlight Pictures


Dans la foulée de Pauvres Créatures, sorti en début d'année et couronné de récompenses et de succès. Le cinéaste grec Yórgos Lánthimos ne lésine pas, présentant un nouveau long-métrage intitulé Kinds of Kindness (sortes de gentillesses). Un titre ironique en connaissance de son style grinçant et mal aimable, sonnant comme un retour à ses racines grecques. Après une virée du côté des genres codifiés, en renouvelant le film à costume avec La Favorite (2018) et la boursouflure gothique avec l'adaptation du texte de Alasdair Gray (Poor Things). Lánthimos à la manière d'une série anthologique (Alfred Hitchcock présente ou Les Contes de la crypte), propose un long-métrage comprenant trois sketchs, dans un retour jouissif à la froideur l'ayant fait connaître de la critique avec notamment Canine (2009) ou encore Mise à mort du cerf sacré (2017).

Synopsis :


"Kinds of Kindness est une fable en triptyque qui suit : un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle semble une personne différente ; et une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial destinée à devenir un chef spirituel prodigieux."

 

Critique :


Kinds of Soumission


Un être humain soumis à un autre est l'une des lignes directrices du cinéma de Yórgos Lánthimos. Pauvres Créatures dans la droite lignée du Prométhée moderne de Mary Shelley (1818), nous présentait Bella Baxter, interprété par Emma Stone, devenue depuis La Favorite, la muse du cinéaste grec. Un personnage soumis par son créateur le Dr Godwin Baxter (Willem Dafoe) tentant de se libérer de ses entraves. Une réponse se décèle avec le premier segment intitulé : “The Death of R.M.F". Robert, interprété par Jesse Plemons, auréolé du prix d'interprétation lors du festival de Cannes 2024, employé d'une firme d'architecture d'architecture, dirigé par un certain Raymond, interprété par Willem Dafoe. Le docteur fou Godwin Baxter de Pauvres Créatures n'est pas loin, entravant la vie de son employé en contrôlant la routine journalière, les divers consommations ou encore l'absence d'enfants dans le foyer familial. Une résonance antithétique aux créatures londoniennes, Kinds of Kindness condamne avec un humour toujours aussi cruel et grinçant, la liberté de son personnage, contaminée par l'affection "amoureuse" que la soumission. Robert est abandonné, perdant ses repères et va chercher à les récupérer, la soumission est de pair avec l'attachement. L'humain chez Yórgos Lánthimos se rattache à des valeurs telles que le travail, la religion ou encore la famille, en complaisance, en emprise volontaire avec ces notions. Robert comme Emily (Emma Stone) dans le troisième segment, "R.M.F. eats a sandwich", retourne éternellement dans les traces de leur existence en prise de disparition, recherchant un objectif. 


Condamnation à l'attachement


Kinds of masques


Lánthimos joue habilement avec sa troupe de comédien(nes) en substituant leurs rôles, leurs personnages, leurs objectifs comme les affections en osmose. Le cinéaste exprime dans toute son aigreur, une servitude de l'humanité dans ses désirs, ses croyances, son existence, destinée à mourir, à souffrir. Les interprètes du film aussi sont condamnés à la substitution des masques. Kinds of Kindness renoue avec une perversité abandonnée dans Pauvres Créatures, s'amusant à triturer ses personnages et le spectateur. Le consensus et l'académisme de ses deux précédents longs-métrages disparaissent pour une liaison avec son hermétisme d'antan. Ses personnages sont mal aimables, au-delà d'une notion de bien ou de mal. Ils sont soumis à des forces dépassant l'humain, asservis par leurs conditions, alternant les masques. Ils sont similaires, condamnés par la cruauté jouissance et perverse de Yórgos Lánthimos. Le long-métrage est aux antipodes des notions américaines que le cinéaste côtoie, les observant malicieusement gesticuler dans un théâtre de marionnettes. Les trois segments portant le nom R.M.F, étant le nom d'un personnage du premier segment, soumis à l'expérience volontaire de la mort dans un accident de voiture. Tous les personnages de Kinds of Kindness portent des masques aspirant aux mêmes désirs, être aimé, jusqu'à la contamination, terme prononcé par le personnage de Aka (Hong Chau) dans le segment "R.M.F. eats a sandwich".


Un duo masqué en liaison et en antithèse


Kinds of pervers


Dans R.M.F. is Flying (deuxième segment), croisement entre son chef-d'œuvre Mise à mort du cerf sacré et Eyes Wide Shut (1999) de Stanley Kubrick, long-métrage de référence pour Yórgos Lánthimos. Daniels (Jesse Plemons), pleure la disparition de sa femme Liz (Emma Stone) et du jour au lendemain, elle est retrouvé, mais totalement changé sous le prisme des yeux de son mari. La maison familiale est aux prises avec le cannibalisme de l'amour. Comme Steven Murphy (Colin Farrell), Daniels change, dévore sa compagne, entretenant une relation polyamoureuse avec un couple voisin. Le cinéaste prend un plaisir contagieux à répandre les maux humains dans son confort américain. La situation financière, la vie de famille, la croyance religieuse sont des notions américaines investies dans les trois segments de Kinds of Kindness. Le cinéaste utilise ces valeurs américaines pour les passer aux cribles de sa caméra avide de gros plans, peau défectueuse, textures triturées, corps en contact. Son expérience acquise avec ses œuvres plus grand public, permet une totale maîtrise, un regard méticuleux sur les comportements humains fascinant le réalisateur depuis le début de sa carrière. Un petit film, de 2h45 (tout de même), recelant ses obsessions, condamné à les ressasser. Le spectateur finit par se soumettre de son propre chef ou non à l'expérience, la question étant l'adhésion à la fête perverse et jouissante de Yórgos Lánthimos.


Jouissance dans la souffrance


Yorgos Lanthimos après ses errances dans les styles consensuels américains revient dans sa vanité mordante et mal aimable dans Kinds of Kindness. Le cinéaste grec utilise le film à sketchs pour en déployer la mort de l'humain, la futilité des liens, interchangeable comme ses comédiens portant divers masques. Une œuvre fataliste où les humains, les personnages, le film sont soumis à la mort et à l'affection.

 

La note du rédacteur : 4,5/5



 

L'avis des autres rédacteurs :



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