Réalisation : David Gordon Green
Scénario : Danny Mcbride, David Gordon Green, Scot Teems, Pter Sattler
Acteurs Principaux : Leslie Odom Jr, Ann Dowd, Lidya Jewett...
Sortie : 11 octobre 2023
Durée : 1H51
Genre : Horreur
Sociétés de productions : Blumhouse Studios, Morgan Creek, Rough house Pictures, Universal pictures
Société de distribution : Universal Pictures France
En 1973 sortait L'Exorciste, chef d'œuvre de l'immense et regretté William Friedkin, instaurant les bases du film de possession et questions sur la foi religieuse. 50 ans plus tard, sous la vague des "legacyquels" et à la suite du succès de la trilogie Halloween du cinéaste David Gordon Green. Jason Blum et notre cinéaste responsable de la résurrection du boogyman au masque blanc s'attaque à une suite du film culte en laissant sur le bord du processus une ancienne saga assez chaotique. Contrairement à l'œuvre de John Carpenter, ce premier volet de cette fournée d'exorcisme nous interroge sur le raccrochage avec l'héritage.
Synopsis :
Il y a 12 ans, Victor Fielding perd sa femme au cours d'un séisme à Haïti, il élève seul sa fille Angela. Un jour, elle et son amie Katherine disparaissent dans les bois et refont surface 3 jours plus tard sans aucun souvenir. Face à des évènements étrange, Victor contacte la personne qui a déjà fait face à ce genre de phénomènes, Chris MacNeil.
Critique :
Le père doit-il mourir ?
Dans la vague des "legacyquels" (des films sortant des années après un film culte et se situant comme une nouvelle suite), Green sortait du lot avec sa trilogie Halloween qui était une forme d'analyse du slasher (le premier sur la renaissance, le deuxième sur le monstre, le troisième sur sa mort). La tâche de succéder au mastodonte de 1973 est plus grand encore tant Friedkin avait su disséminer dans son œuvre une lente agonie de son personnage devenant un corps meurtri par le surnaturel et posant la religion comme épée de Damoclès. Dans sa première heure, Dévotion tente de singer l'original dès son introduction se déroulant en dehors des Etats-Unis, non pas en Irak mais à Haïti. Un incipit qui sert de marqueur narratif avec la mort de la femme de Victor mais aussi son doute envers la religion. Une manière intéressante de reprendre les origines et tout de même tenter un éloignement, car dans l'Exorciste la séquence d'introduction ne servait pas du tout un point d'intrigue mais plutôt d'un duel religieux. L'intention de continuer sur les traces de Friedkin est louable avec l'insertion du quotidien.
La vie de famille se dessine peu à peu. Le réalisateur se retrouve à devoir détruire son développement avec l'insertion abrupte de l'exorcisme dans son récit, d'une banalité alarmante sur les intentions de Green avec cette suite. La disparition de 3 jours (un écho religieux peu subtil mais aurait gagner à ne pas être dit littéralement par un dialogue) ainsi que le peu d'attention porté au personnage de Katherine dont l'intention de vouloir pratiquer un rituel religieux n'est pas expliquée alors que le personnage vit dans une famille religieuse (un écho à Reagan). Le temps est l'ennemi du cinéaste pour pleinement illustrer l'éloignement parental et la perte progressive des deux enfants. La dégradation des corps, notamment lors d'une séquence après la trouvaille des deux gamines où elles sont examinées avec les marques de la possession démoniaque, pose la question du consentement lors d'un détour sur un examen médical corporel lors d'un saignement au niveau des parties intimes de Katherine semble assez significatif de sens. Les détails portés sur la mutilation corporelle dévoilent la passion de David Gordon Green pour la plasticité de l'horreur qui fait toujours son effet et pourrait lancer les prémices d'un virage au cinéma bis comme pour Halloween Kills (2021).
Les corps meurtris par la possession démoniaque
Quel chemin doit-on emprunter ?
Au détour d'un périple, Victor retrouve le personnage de Chris MacNeil qui ne suit pas la même direction que Laurie Strode dans Halloween (2018), un personnage qui ne sert que d'ancrage au film de Friedkin et de guide narratif sur le cas de possession qu'a subi sa fille Reagan par le passé. Dans la reprise du personnage emblématique de Carpenter, Green évoquait le traumatisme et une quête de vengeance d'un tueur qui portait les marques du cinéma (Ronald) Reaganien. Dans Dévotion, la dualité religieuse avec MacNeil n'est tout simplement pas creusée ni mise sur le tapis. Un aveu d'échec sur une quelconque direction de continuité et d'évolution du propos. Tout ce qui est connecté avec le film original est de l'ordre de la citation qui ne vas pas trouver une raison d'exister. Ce pendant narratif sans intérêt trouve un écho brutal à l'original le temps d'une scène bis réjouissante dans un lieu familiale avec Katherine où une connexion avec Reagan se fait subitement.
Entravé par les chaines de père William Friedkin et mère L'Exorciste
Une errance structurelle antagoniste à ce nouvel opus est de mise. Si la pluralité religieuse est posée, cela ne trouve finalement qu'écho dans un climax qui pose l'exorcisme dans une dimension plus spectaculaire manquant tout de même de piquant. Dans une cérémonie de réunion pour une tentative de libération des jeunes filles, l'idée de la double possession pose enfin un enjeu de confrontation entre la foi et l'amour parental. Un dilemme moral est posé par l'échec du pouvoir divin sur l'exorcisme et qui ne laisse que les personnages en proie avec eux-mêmes lors d'un choix qui dévoile l'égoïsme tapi dans l'ombre. C'est là que le film de Gordon Green trouve une réjouissance plastique dans les corps détruits par la possession (les marques, le vomi,...). Un monde divin pointant le bout de son nez avec une représentation visuelle dans sa résonance avec un monde Lovecraftien. Si dans sa conclusion, Dévotion dévoile encore l'épée qu'est le film de Friedkin au sein de ses fondements, la prise de direction dans la série B était peut-être alors le chemin à prendre pour tuer le père.
Dans sa paternité avec le film de 1973, Dévotion est enchainé par un simulacre de construction narrative similaire. Si les échos avec le consentement et la lente agonie des jeunes possédées est bien venue, le temps est l'antagoniste de David Gordon Green et le tout sonne malgré tout artificielle. Le virage dans la série B se dessine alors comme l'échappatoire des entraves de L'Exorciste donnant l'occasion au cinéaste de fuir le cocon familial du film quinquagénaire qui est ici relégué à une tiède introduction pour cette nouvelle saga, malgré la plasticité déjà présente dans la trilogie Halloween et toujours aussi bien sculptée.
La note du rédacteur : 3/5
L'avis des autres rédacteurs :
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