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Photo du rédacteurJu de Melon

[CRITIQUE] Le Livre des solutions : Se livrer pour se délivrer

Dernière mise à jour : 2 févr.



Réalisation : Michel Gondry

Scénario : Michel Gondry

Acteurs principaux : Pierre Niney, Blanche Gardin, Frankie Wallach, Camille Rutherford, Françoise Lebrun, Vincent Elbaz...

Sortie : 13 Septembre 2023

Durée : 1h42

Genres : Comédie, drame, fantastique

Sociétés de production : Partizan

Société de distribution : The Jokers Film



Introduction :


Après presque 40 ans d'une carrière riche en émotions et en sensations, Michel Gondry décide de faire le point et nous livre son métrage le plus personnel après 8 ans de silence cinématographique marqué par une parenthèse sérielle compliquée (même si fascinante) avec Kidding (2018-2020). Un retour aux sources qui sonne comme un bilan. Un nouveau pas en avant pour un nouvel élan ?



Résumé :


Marc Becker, réalisateur incompris par sa boite de production, décide de fuir Paris avec son œuvre inachevée et d'emmener son équipe dans un petit village des Cévennes où vit sa tante pour y terminer en pirate le tournage et le montage. Là-bas, Marc semble retrouver sa créativité et fourmille d'idées… mais peut-être trop ! Il doit donc se canaliser afin d'éviter le courroux de ses proches en tentant d'écrire le livre des solutions, un ouvrage rempli de conseils plus ou moins efficaces.



Critique :


Autant dire qu'entrer dans un univers à la Gondry réserve toujours son lot de potentielles embûches et de belles surprises… Et ce n'est pas Le Livre des solutions qui fera ainsi exception tant ce nouvel opus regorge de toutes ses obsessions ! Plus que jamais, Michel Gondry plonge ici son spectateur dans une folie créatrice sur laquelle il pose un jugement très personnel en faisant de Marc (Pierre Niney) son alter égo d'une époque pas si lointaine.


Convoquant par moments son documentaire L'Épine dans le cœur (2010) qu'il adapte indirectement en fiction, Gondry s'invite à l'auto-psychanalyse et ouvre son intimité au public, revenant sur une période de sa vie faisant suite à L'écume des jours (2013) où une bipolarité lui fut diagnostiquée, se servant une nouvelle fois de son art pour s'exprimer mais ici sur son propre subconscient qu'il scrute et décortique à chaque instant. Produit d'un metteur en scène parfaitement conscient de ce qu'il fait et assumant ainsi ses propres limites, Le Livre des solutions s'avère donc être un métrage parfois brouillon qui semble partir dans tous les sens mais qui parvient constamment à retomber sur ses pattes dans la plus pure logique, très spéciale il faut l'avouer, de son auteur.



Douce parenthèse entre deux idées dévorantes...



Auprès de Denise, sa tante tantôt protectrice et protégée interprétée avec douceur par l'indispensable Françoise Lebrun, Marc espère enfin pouvoir poser son mal-être et se reposer de ses angoisses. Mais très vite cette réalité glissant vers la perpétuelle fiction de création va mettre à mal sa tentative de quiétude, son arlésienne de livre enfin entamé n'ouvrant que de nouvelles questions qui n'apportent pas toujours ses tant attendues solutions. Une somme de contradictions et de paradoxes qui façonne ainsi la création, un art total et parfois frustrant, qui ouvre une perspective de possibilités bien trop infinies pour son entourage.


Ainsi Marc agit comme un enfant incontrôlable dans le corps d'un adulte égocentré qui a du mal à se remettre en cause au bon moment. Gondry pose ainsi un regard sans retenue sur ce qu'il a pu être, ayant conscience d'avoir été toxique avec ses collègues à cette époque où le contrôle lui échappait. Certaines scènes sont ainsi tristes à voir dans la façon dont il traite sa fidèle monteuse (Blanche Gardin) et sa jeune productrice (Frankie Wallach), où le point de rupture n'est jamais loin et les conséquences finiront par devoir être assumées. Car créer n'est pas facile, surtout quand on est enfermé dans son monde, aussi faste et merveilleux puisse-t-il être…


Gondry convoque donc la véritable dualité de sa création, acte démiurge qui peut bouger des montagnes et défier l'impossible, mais potentiellement destructeur pour un entourage qui ne peut continuellement suivre et subir les délires d'un éternel incompris (parfois même par lui-même). Le film regorge ainsi de merveilleuses trouvailles (visuelles et scéniques) qui subliment la possibilité de certaines idées ; par exemple il parviendra contre toute attente à créer cette bande originale à l'énergie du corps ou obtenir un invité particulier sur celle-ci, mettra en abyme son idée d'entracte en stop motion (qui sera celle dudit film que nous voyons) et finira même par prendre une totale possession de son œuvre finale en tutoyant le potentiel développement d'une histoire d'amour. A contrario, la production prendra un retard immense à cause de digressions trop diverses, lui fera perdre ses repères pendant et après son séjour aux Cévennes, et ne lui permettra jamais de véritablement assumer ou jouir de la finalité de son travail.


Au coeur et au corps de l'orchestre !



Le Livre des solutions met ainsi en emphase cette valse des hésitations et des créations avec toutes les obsessions ou thématiques que son réalisateur a pu titiller tout au long de sa carrière. Son univers visuel sera ainsi parfois marqué au-delà du réel comme dans La Science des rêves (2006) ou L'écume des jours (2013), le rapport au temps et à la mémoire constamment trituré perdant Pierre Niney dans des affres hallucinées fera écho au traitement de Jim Carrey dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004), cette approche de l'art-isanat ou cette passion de donner vie à une certaine folie renverra à Soyez sympas, rembobinez (2008), et enfin cette dichotomie tumultueuse et évolutive entre individu et collectif fera un lien avec son précieux The We and the I (2012)... Et bien plus encore ! Tant le monde de Gondry ne peut se résumer en quelques lignes paraissant ici dérisoires et bien trop abstraites pour pleinement retranscrire sa vision des choses.



Conclusion :


Une chose est sûre au final : Le Livre des solutions ne laissera pas indifférent. Dusse-t-il ne pas plaire à tout le monde, de part son côté volage et sa structure parfois accélérée qui semble passer du coq à l'âne surtout avant son final, ce serait parfaitement compréhensible. Mais c'est un pur film de cinéma, en constante ébullition, à l'image de son auteur qui a pourtant su mettre en images et en émotions ses tourments tout en nous émouvant et nous faisant rire. Le choix de Pierre Niney s'avère par ailleurs parfaitement payant ; l'acteur nous offrant peut-être là sa meilleure partition, s'imposant en parfait miroir d'un Michel Gondry mis à nu. Nous ne pouvons donc que vous inviter à vous laisser tenter, pénétrer ainsi cet univers et ne pas hésiter si besoin à l'approfondir avec les autres œuvres de son créateur !



La note du rédacteur : 4/5



 

L'avis des autres rédacteurs :


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