Réalisation : Chris Sanders
Scénario : Chris Sanders, d’après le roman Robot Sauvage de Peter Brown
Photographie :
Montage : Mary Blee
Musique : Kris Bowers
Acteurs Principaux : Lupita Nyong’o, Pedro Pascal, Kit Connor
Sortie : 9 octobre 2024
Durée : 102 minutes
Genre : Aventure, comédie
Société de production : Dreamworks Animation
Société de distribution : Universal Pictures International
Après les succès critiques et commerciaux des Bad Guys et surtout du Chat Potté 2, Dreamworks entama une traversée du désert en 2023 et également durant la première moitié de 2024 avec des projets au mieux oubliables par un manque cruel de prises de risque et d’originalité nous laissant seulement des films assez insipides, au fond creux, ne proposant rien de vraiment intéressant. C’est dans ce climat que revient Chris Sanders, l’homme ayant déjà fait les bonnes heures de Disney avec Lilo et Stitch, mais surtout réalisateur de Dragons, film ayant participé à la renommée qu’a ce studio aujourd’hui, déjà entamée avec le triomphes critiques du Prince d’Egypte ou encore de Wallace et Gromit et le mystère du Lapin-Garou (dont un article est disponible sur notre site) mais aussi de réussites commerciales telles que Kung Fu Panda et la saga Shrek. Alors, est ce que Le Robot Sauvage est un nouvel échec ou justement la fin de cette trop longue errance ?
Synopsis :
"L'aventure suit le voyage d’un robot – ROZZUM 7134, « Roz » en abrégé – qui fait naufrage sur une île inhabitée et qui doit apprendre à s’adapter à l’environnement rude, établissant progressivement des relations avec les animaux de l’île et devenant la mère adoptive d’un oison orphelin qu’elle nommera Joli-Bec."
Critique :
L’animal machine
Le film s’ouvre sur Roz, robot ayant échoué sur une plage, voyant déjà un premier danger menaçant sa vie artificielle : une vague dont elle doit s’échapper. C’est à ce moment qu’elle observe un crabe qui va certes mourir quelques minutes plus tard d’une manière assez humoristique rappelant la dure loi de la chaîne alimentaire, mais qui surtout montre sans le vouloir à notre protagoniste non-humanisé comment elle doit agir afin de survivre dans cet environnement inconnu. À la manière d’un Pier Paolo Pasolini apprenant l’argot de la banlieue romaine pour écrire les Ragazzi, elle va donc écouter les animaux de la forêt pour les comprendre, lui permettant de se rapprocher de son but mécanique : avoir une mission à réaliser. L’apprentissage va bien entendu passer par sa quête parentale pour un petit oison devant voler avant l’arrivée de l’hiver mais ce n’est qu’un prétexte à un récit initiatique pour Roz qui ne s’achèvera non pas lors du départ de Joli-Bec mais bel et bien après cela, à la toute fin du long métrage, lorsqu’elle prendra la décision de partir, constatant avec effroi les ravages que sa présence cause sur la faune et la flore.
Les premières émotions d’une machine supposée sans âme
L’aspect intéressant de ce geste réside dans le fait que ce que cette action n’est pas la conséquence d’un ordre venant d’autrui, il s’agit ici de son propre choix survenant 1h35 après qu’on a vu cette même machine errer sans but dans ce gigantesque écosystème puisque personne ne lui donne de mission à exécuter. Roz, à travers l’élevage de l’oison, a compris que le rôle d’une mère, comme le dit si bien le personnage de Queue-Rose (la maman opossum), n’est pas un art qui s’apprend. C’est une improvisation constante, c’est une tâche dans laquelle la planification est inutile et qui permet au fil des jours, des semaines, des mois, de s’améliorer. Elle va comprendre cela pour s’extirper des leçons d’Escobar, référence évidente aux romans de Renart, qui va berner notre cette machine froide toutefois assez manipulable, afin de prendre une décision de sa propre initiative. Ce tournant arrive dans un moment assez crucial non pas uniquement dans le récit mais aussi dans la vie animale : l’hiver.
Cet Hiver est ainsi un antagoniste universel introduit dès la naissance de Joli-Bec puisque ses chances de survies à cette saison sont quasi nulles. Ainsi, lorsque l’oison est partie, Roz se retrouve seule dans ce petit cocon faisant maintenant souffrir nos deux protagonistes restants (elle et Escobar devenu amis), ce qui est paradoxal puisque plus tôt c’était l’endroit où tous trois pouvaient vivre heureux. C’est alors que l’instinct maternel que Roz a développé malgré elle se transforme en inquiétude lorsqu’elle va voir une tempête de neige. Afin de protéger la faune, cette machine va créer sa propre arche de Noé par pure compassion pour son prochain. Chris Sanders répond à sa manière à la théorie de l’animal machine de Descartes selon laquelle le comportement des animaux est semblable aux mécanismes d’une machine en livrant ainsi ce récit sur une machine devenant animale et développant de la raison, des sentiments qui la toucheront tellement que malgré son inévitable réinitialisation, ceux-ci ne pourront disparaître non pas de son cœur mécanique mais de son cœur métaphysique.
Le nouvel allié du royaume animal face au plus grand ennemi de ce dernier : le rude froid de l’hiver
La société des rejetés
Chris Sanders construit également un panel de personnages reposant sur la notion de parias, ils sont tous en marge des autres à leur propre échelle. La famille recomposée que nous allons suivre va être opposée à d’autres groupes sociaux très soudés entre ses individus, ce qui est observable avec la séquence durant laquelle on va mettre le petit oisillon essayant d’apprendre à nager, et ce de manière très mécanique, face à des oies intégrées au sein d’un groupe qui vont rejeter l’anormalité de Joli-Bec, amplifiant donc la non-conformité de ce personnage aux normes naturelles. L’oisillon est montré comme étant en retard et différent de tous ses confrères sur sa nature d’oiseau, ne lui permettant pas la migration. Une migration à laquelle il parvient quand même à participer, après une séquence d'entraînement témoignant de ce que nous savions déjà. Cette aventure va être une période véritablement initiatique pour lui puisque, avec le chaos créé lors d’une escale dans cette ville utopique, sa connaissance de Roz va aider son groupe à survivre à une attaque robotique : Joli-Bec s’affirmant finalement comme un héros pour son espèce ainsi qu’un élément central dans la cohésion de cette migration.
Un paria qui, accompagné de sa mère adoptive, va enfin pouvoir intégrer un groupe
Cependant c’est durant l’épisode impliquant la survie de tous les animaux vivants sur cette île que le réalisateur montre toute son idée de personnages en marge. En effet, c’est à ce moment que l’on remarque que tous les personnages qui nous sont présentés depuis les premières minutes sont très seuls et ne se mélangent pas avec les autres espèces, ce qui est toujours en rapport avec la séquence humoristique abordée plus tôt avec la mort du crabe, qui fut le début de ce message de manière implicite mais qui dans l’évolution du film va devenir bien plus explicite. Ici, le but de Sanders est de montrer que nous pouvons avancer en compagnie d’autres individus non pas en s’opposant, mais en s’unissant. Nous ne pouvons pas survivre en se faisant la guerre mais uniquement en comprenant tous qu’il y a des phénomènes nous mettant en danger et que ce n’est pas en s'entretuent, paradoxalement puisque pour se nourrir les animaux carnivores participent à la formation d’une chaîne alimentaire, que cette panoplie de personnages va pouvoir sortir ensemble de ce rude hiver.
Malgré un rythme effréné, cependant compréhensible en vue du public auquel il s’adresse principalement, et de son climax vu et revu dans un bon nombre de films d’animations du studio dont Dragons, un des précédents films de Sanders, Le Robot Sauvage est un film à l’esthétique léchée permettant de produire des plans visuellement très réussi, mais qui est également un long métrage portant de lourds messages facilement accessibles aux enfants à qui il s’adresse directement. Nous avons là un film aux multiples lectures ayant pour but d’enseigner la protection de la planète à la génération qui devra tâcher de prendre soin du monde dans lequel nous vivons. Dreamworks signe ici de potentiels nouveaux jours de gloire avec des projets qui, espérons-le, seront tout aussi permissifs dans leur qualité visuelle et morale.
La note du rédacteur : 4/5
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