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Photo du rédacteurAdam Herczalowski

[CRITIQUE] Megalopolis (une fable) : Mille et une folie


Réalisation : Francis Ford Coppola

Scénario :  Francis Ford Coppola

Photographie : Mihai Mălaimare Jr.

Montage : Cam McLauchlin et Glen Scantlebury

Musique : Osvaldo Golijov

Acteurs Principaux : Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel et Aubrey Plaza

Sortie : 25 septembre 2024

Durée : 2h18

Genre : drame, épique, science-fiction

Société de production :  American Zoetrope

Société de distribution : Le Pacte (France)

 

La longue gestation de près d'une quarantaine d'années serait un euphémisme, pour décrire le projet longuement mûri par Francis Ford Coppola. Un projet de longue date d’une des carrières les plus fructueuse et importante de l’histoire du cinéma. Autant sources de longs-métrages accueillis sur un piédestal (Apocalypse Now, Le Parrain, …), mais également des films à la réception clivante (Coup de Cœur, Twixt, …). Après une trilogie confidentielle. Coppola se lance définitivement dans le projet d’une vie, Megalopolis en indépendance totale (cent vingt millions de dollars de budget). Après un retour sur la croisette cannoise, dont il fut primé de deux palmes d'or avec Conversation secrète et Apocalypse Now, les avis furent froids. Le film maudit arrive dans nos salles de cinéma. Qu'en est-il réellement de la concrétisation du projet maudit tant rêvé et fantasmé ? 


Synopsis :  


"Megalopolis est une épopée romaine dans une Amérique moderne imaginaire en pleine décadence. La ville de New Rome doit absolument changer, ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina, artiste de génie ayant le pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Cicero. Le premier rêve d’un avenir utopique idéal alors que le second reste très attaché à un statu quo régressif protecteur de la cupidité, des privilèges et des milices privées. La fille du maire et jet-setteuse Julia Cicero, amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et devra découvrir ce qui lui semble le meilleur pour l’avenir de l’humanité."

 

Critique : 


La cité des rêves


La folie ayant envahi Francis Ford Coppola au travers du résultat s'offrant devant le spectateur est quelque peu désarçonnant. Une attente indéniable qui se déconstruit peu à peu lors du visionnage de ce Megalopolis. Le cinéaste du Parrain n'existe plus, il est l'architecte d’images sensitifs, des rêves hallucinés, aux citations tant philosophiques (Marc-Aurèle, …) que cinématographiques (Abel Gance, …) en abondances pendant près de 2h20. Autant baroque qu’obsolète que soit ce faux testament, il est guidé par un optimisme vis à vis d'un monde du passé et du présent en alliage d’influences romaine, grec et une architecture proche de la ville de notre New York contemporain. Une cité de tous les âges à l'image d'un long-métrage côtoyant les triptypes gancien, aux élans de soap opéra burlesque ou un cirque d'interprétations tout en bouffonnerie, notamment Shia LaBeouf (Clodio Pulcher). Coppola ne s'impose aucune limite, sautant à pieds joints dans ses rêves tous plus fous les uns que les autres, sans la peur de l'échec (effets visuelles), du ridicule (interprétations théâtrales), la ringardise d'une certaine caricature de la femme fatale par le biais de Wow Platinum mais génialement maléfique par l'interprétation surjoué de Aubrey Plaza. Le réalisateur adepte des fresques grandiloquentes (Le Parrain, Apocalypse Now, …) se rapproche plus des assemblages et collages d'images de son Bram Stoker's Dracula auquel il se livrait à la citation historique du cinéma. Megalopolis n'est pas en reste vis à vis des références historiques, allant des tryptiques sur les fantasmes napoléoniens du chef-d’œuvre d’Abel Gance à la cité d'or du Metropolis de Fritz Lang, en constant alliage avec la technologie du stagecraft aux résultats balbutient. Des mondes de cinéma dont il prélève toute la modernité pour livrer un film parcourant l’histoire des arts, aux frontières constantes entre le passé et le présent à des visuels sans limites. Une foi naïve mais touchante dans un cinéma de plus en plus attaché a des impératifs impérialistes, à l’image de César au bord du vide lors de la découverte de son pouvoir temporel. Coppola utilise le pouvoir du cinéma aux capacités sans contraintes de bons gouts ou quelconque conventions lacunaires.


L'architecte (sans âge) coppolien


La Rome endeuillé


"Mais un jour, son peuple cesse d'y croire", énonce Fundi Romaine (Laurence Fishburne), l'assistant de César, agissant comme le scribe de la future Megalopolis se bâtissant sur la destruction de la ville de New Rome. Cette ville comme l'empire romain en son temps sous les inégalités sociales entre le monde des puissants et celui du peuple où nait, des conspirations shakespeariennes, que Coppola prend un malin plaisir à citer, se termine sur un meurtre en résonnance avec Œdipe roi de Sophocle. César Catilina (Adam Driver), un portrait coppolien d'un bâtisseur d'une cité des rêves, cinématographique, agit dès lors comme un démiurge d'un cinéma-monde croyant naïvement, grâce au pouvoir du Megalon (le cinéma) sauver un monde au bord de la destruction, basculant vers un fascisme naissant. Ce pouvoir est au-delà de la simple capacité d'arrêter le temps, "time stop" crie César au bord du vide dans la sublime scène d'ouverture, Coppola triture ses images remplis à ras bord d'idées aussi ambitieuses que camp, faisant un pas courageux, sans avoir peur du ridicule voulant pertinemment aller de l'avant, à l'image de son autoportrait dressé dans Megalopolis.


"Time stop"


César est un bâtisseur de monde, un architecte d'images mais également doté du pouvoir d'arrêter le temps. A l'image de l'entêtement de Coppola envers ce projet de toute une vie. Le passé, les fantômes, les regrets ont toujours fait partie du cinéaste à l'image des nombreuses retouches de ses films précédents (Apocalypse Now Final Cut, Le Parrain, épilogue : La mort de Michael Corleone) mais également la mort. Une obsession coppolienne décelable dans son précédent film, Twixt, une exploration kitsch mais au combien touchant de la mort imminente, le deuil artistique, sentimental. Hall Baltimore (Val Kilmer), le romancier en perdition et César est toujours rattaché à la mort de sa femme dans Megalopolis. Un magnifique voyage au cœur des ruines pour acheter des fleurs dans une boutique rayonnant de lumières pour les déposer sur son lit de mort. Les personnages chez Coppola hantés par le passé partagent une déambulation mortuaire dans les mondes en ruines, une forêt pour Batilmore et les ruines de New Rome pour César. Twixt agissait comme une fausse mort pour renaître en transformant le vampire comme une allégorie de la renaissance. Megalopolis est la création d'un nouveau cinéma sur les bâtisses du passé, celui qui ne craint pas de partir vers un langage crypté de ses diverses images. Une folie créatrice jusqu'à se perdre à son tour, à l'image du quartier tombant en lambeau de New Rome. 


Emotions en lambeaux


La note du rédacteur 5/5


 

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