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Photo du rédacteurAdam Herczalowski

[CRITIQUE] Mystère à Venise : La dichotomie de Kenneth Branagh

Dernière mise à jour : 19 août


Réalisation : Kenneth Branagh

Scénario : Michael Green, d'après le roman La fête du potiron d'Agatha Christie

Acteurs principaux : Kenneth Branagh, Kyle Allen, Camille Cottin, Jamie Dornan

Sortie : 13 Septembre 2023

Durée : 1 h 43

Genres : Policier, Thriller

Sociétés de production : Scott Free Productions, Kinberg Genre et The Mark Gordon Compagny

Sociétés de distribution : 20th Century Studios, Walt Disney Studios Motion Pictures


Après Le Crime de l'Orient Express (2017) à la plastique impeccable sous une structure narrative des plus classiques ainsi qu'un Mort sur le Nil (2022) qui n'était qu'un festival d'interprètes grotesques soupoudrés de VFX à la qualité discutable. Le cinéaste britannique Kenneth Branagh remet le couvert pour un troisième opus sous les augures du cinéma horrifique pour un résultat en dents de scie, où le parcours horrifique fascine mais dont le genre principal le whodunit se retrouve être l'élément intrus.


Résumé :


Coulant des jours paisibles à Venise, Hercule Poirot désormais retraité se retrouve à devoir assister à une séance de spiritisme au sein d'un vieux Palazzo qui selon les rumeurs serait hanté. Un des invités est retrouvé mort, le célèbre détective doit reprendre du service pour mener l'enquête sur un meurtre qui mettra en doute ses acquis et sa vision des choses.


Critique :


Bienvenue dans la bibliothèque du cinéma horrifique


Avec comme support d'adaptation La fête du potiron (1971), cette nouvelle itération des aventures du détective Hercule Poirot s'avérait être un possible boulevard sous le signe de l'horreur pouvant ainsi donner un souffle différent au genre du whodunit. Ce chemin est ainsi parcouru par un Branagh souhaitant donner un corps filmique fondé sur l'exploration des différents genres de l'horreur dont notamment le gothique. Le design du palais permet d'utiliser le huis clos comme élément horrifique avec l'enfermement des protagonistes dans un lieu potentiellement hanté (le film s'amuse avec les appariations), en passant par le giallo qui se manifeste le temps d'une scène de transition vers le meurtre lançant les hostilités de l'enquête. On peut ainsi apercevoir Poirot portant un masque faisant écho au maitre du genre Dario Argento et un de ses grands chef d'œuvres Les frissons de l'angoisse (1975). Puis le meurtre s'opère avec une caractéristique propre à ce genre, la mise en scène usant d'un insert sur un élément (normalement un couteau) s'avérant ici être une ombre.


Un détail qui ne passe pas inaperçu, notamment sur la thématique du fantôme qui parcourt le long-métrage et exploité par une gimmick caractéristique de son réalisateur : le décadrage qui dans ce film prend une valeur importante. Si dans Thor (2011), le cinéaste l'utilisait pour exprimer les angoisses et les doutes shakespeariens de ses personnages (le pouvoir, les conflits familiaux, etc.), dans Mystère à Venise celui-ci s'opère à travers différents champs-contrechamps lorsqu'un personnage exprime son jugement de la situation à un autre. Ainsi l'un va être d'un coté du cadre et le personnage en conflit avec ce dernier va se situer de l'autre coté. Et très souvent au sein d'un conflit avec la supposition d'un meurtre qui tient du surnaturel, notamment exprimé le temps d'un dialogue entre Hercule Poirot, l'enquêteur rationnel (Kenneth Branagh), et Joyce Reynolds, la médium invitée à la réception (Michelle Yeoh). Cette construction du cadre exprime aussi une dimension fantomatique qui hante le lieu par l'espace vide visible sur l'image et le basculement peut se faire aussi d'un angle différent cassant ainsi la communication de face à face donnant un sentiment de deux idées, deux conceptions, de la situation qui sont antithétiques.


Le scepticisme affrontant la croyance


Une autre marque esthétique de Branagh trouve son point d'accroche dans l'exploitation de la tension qui va se distiller autour d'un plan débullé revenant régulièrement, focalisant son attention autour d'une structure en bois délabrée qui subit des forts courants d'eau. Mais aussi lors d'un premier tiers qui vise à explorer l'inconfort de Poirot lors de cette soirée, véritable antithèse de son quotidien maniaque et bien rangé par un cadre qui lui est symétrique, une idée exposé lors d'une balade dans un Venise assez stéréotypé mais avec un personnage principal dont les tics d'expressions du visage et de langages dévoilent un plaisir de parodie du célèbre personnage issue de la plume de Christie.


Le meurtrier s'avère être monsieur Whodunit


Le jeu de la citation horrifique s'avère ludique mais ne peut empêcher une limite formelle qui se dessine autour du genre qu'est le whodunit. Lorsque le meurtre fait son apparition, on se retrouve face à une routine qui va s'instaurer et qui peut être résumée à Poirot menant un interrogatoire sur un des invités avant de douter par la suite, ainsi se fait entendre une voix enfantine laissant place ensuite à un nouvel élément horrifique qui surgit que ça soit une citation de The Grudge (2004) dans une salle de bain ou un plan subjectif de l'exploration d'une cave qui peut faire écho au genre du found footage. Ces citations se trouvent être la petite friandise agréable pour le spectateur, mais tout s'écroule avec l'hallucination qui fait repartir à zéro la structure narrative.


Le questionnement du scepticisme de notre personnage vedette est sur le papier une bonne idée, mais se retrouve très vite limité par une structure scénaristique qui pose d'emblée un schéma sortant la carte de l'hallucination pour abandonner l'interrogation que le film essaye tant bien que mal de porter sur ses épaules. L'ensemble n'est pas aidé par la palette de suspects qui se définissent par un seul trait de caractère (la croyante, le torturé, le personnage en deuil,...) et le film ne semble pas vraiment vouloir sortir des carcans stéréotypés de ses protagonistes puisqu'ils doivent seulement servir de suspects potentiels, ne laissant donc pas de place à une grande palette de jeu, même si on peut noter l'intéressante dichotomie du personnage interprété par Camille Cottin qui se retrouve entre deux lignes (le deuil et le surnaturel).


Le masque représentant le film, à savoir une contradiction


Le sommet de la faiblesse de cette exploration du whodunit se dévoile lors d'une conclusion d'enquête qui s'effectue en deux temps et se révèle assez anecdotique par son apparition soudaine dans le récit. Un déclic de conclusion qui doit s'effectuer après une routine schématique de deuxième partie, tranchant brutalement dans cette résolution finale la question du surnaturel d'un revers de la main avec un simple élément retrouvé par Hercule Poirot. Le gimmick du genre, qui se met donc rapidement en place avec la célèbre réunion des personnages suspectés, apparait comme grotesque par son exécution hachée et un goût d'inachevé dans le choix d'exclure le surnaturel de l'équation au sein de cette conclusion d'enquête.


Une contradiction se dessine au sein de ce Mystère à Venise, à savoir que tout ce qui appartient à la mise en scène horrifique sans être un immense éclat s'en sort tout de même avec les honneurs, mais les éléments qui construit le genre initial auquel appartient les écrits d'Agatha Christie est finalement prévisible et schématique. Une troisième aventure du "Hercule Poirot Cinematic Universe" qui se termine en dents de scie mais au résultat intrigant par sa volonté d'un jeu de citations avec la propre filmographie de Kenneth Branagh et le cinéma d'horreur.



La note du rédacteur : 3/5


 

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