Réalisation : Douglas Wilson
Scénario : Mark Burton, Jon Foster et James Lamont, d'après une histoire de Paul King, Simon Farnaby et Mark Burton, d'après le personnage crée par Michael Bond
Photographie : Erik Wilson
Montage : Úna Ní Dhonghaíle
Musique : Dario Marianelli
Acteurs Principaux : Ben Whishaw, Hugh Bonneville, Emily Mortimer
Sortie : 5 février 2025
Durée : 106 minutes
Genre : aventure, comédie
Société de production : Studiocanal, Marmalade Films Ltd., Heyday Films
Société de distribution : Studiocanal, Sony Pictures

Pour la génération Z, peu marquée par la cinéphilie, la saga Paddington a souvent servi de porte d’entrée vers le septième art. Un an après le triomphe de La Reine des Neiges, autre phénomène incontournable pour la jeunesse, le premier Paddington voyait le jour sous la houlette du talentueux Paul King. Dès lors, la popularité de l’adorable ours anglais n’a cessé de grandir, jusqu’à devenir un véritable emblème de la culture britannique. Avec Paddington 2, King avait su affiner encore davantage sa patte artistique, imposant son style et sublimant son héros tout de poil. Pourtant, après son passage par l’univers féérique de Wonka, le réalisateur passe le flambeau. Paddington au Pérou est désormais entre les mains de Dougal Wilson. Un changement qui pourrait bien être la clé du renouveau de la franchise, mais qui soulève aussi de nombreuses interrogations. Car si ce troisième opus ambitionne de poursuivre l’héritage de ses prédécesseurs, il semble marcher sur un fil, notamment en raison d’un casting profondément défiguré.

Un dépaysement total pour la famille Brown
Du thé anglais à l’expresso péruvien : un goût qui change
Le remplacement de la brillante Sally Hawkins par une Emily Mortimer plus en retrait dans le rôle de Mary Brown, tout comme le passage de relais entre Paul King et le novice Dougal Wilson, ne trompe personne : ces changements ont de quoi frustrer. Pourtant, pour éviter que la saga Paddington ne s’enlise, Wilson semble déterminé à pasticher le style de King afin de ne pas dérouter les fans. Et c’est précisément cette fidélité qui intrigue : Paddington au Pérou reprend les couleurs pastel, les parenthèses musicales et le goût du réalisateur pour les miniatures. Mais imiter n’est pas égaler. Wilson frôle parfois la caricature en reproduisant des effets de style qui, sous King, avaient une véritable personnalité. La fameuse maison de poupée, autrefois un dispositif ludique où les Brown échangeaient avec tendresse, devient ici un cadre plus figé, presque restrictif. Là où King donnait à voir un espace vivant et évolutif, Wilson compartimente littéralement ses personnages dans des cases. Pour ne pas sombrer dans une simple copie, Wilson se voit contraint de rompre avec certains marqueurs de la saga : le burlesque, par exemple, s’efface progressivement. Les grandes séquences comiques qui faisaient le sel des premiers volets – à l’image de l’iconique scène de la salle de bain – se raréfient. Seules deux séquences, mineures mais parmi les plus réussies, retrouvent l’essence même de Paddington. La première, en guise d’introduction, met en scène l’ours aux prises avec un photomaton qu’il ne parvient pas à maîtriser. La seconde, plus centrale dans le récit, le propulse à la barre d’un bateau dérivant dangereusement sur l’Amazonie. Cette scène illustre parfaitement le nouveau parti pris du film : Paddington au Pérou se veut avant tout un récit d’aventure. Le retour de l’ours dans son pays natal amorce cette transition, marquant la fin du confort de sa vie anglaise pour l’entraîner dans un voyage plus mouvementé. Sur ce registre, Wilson se montre habile, exploitant chaque personnage pour donner du souffle à une intrigue que l’on craignait vite essoufflée. Mais son approche repose avant tout sur un jeu de références, soulevant ainsi une question : Paddington 3 parviendra-t-il à se détacher de l’ombre de son prédécesseur, ou restera-t-il une aventure sous influence ?
Temple Run, Indiana Jones… et un peu de Paddington quand même
Si Paddington au Pérou permet enfin à notre ours flegmatique d’explorer son pays natal, il ne le fait qu’au prisme de multiples références. Les vestiges sacrés incas, renfermant quelque part le fabuleux trésor de l’Eldorado, ne se découvrent qu’en rejouant les classiques du cinéma d’aventure. Ainsi, pour s’y aventurer, il faut se mouvoir comme Indiana Jones ! Une course-poursuite entre Paddington et son principal opposant (dont nous tairons ici l’identité) évoque même une partie grandeur nature de Temple Run : un immense rocher dévale à toute vitesse, menaçant d’écraser notre héros. C’est dans ces moments-là que ressurgit un peu du burlesque cher à Paul King, tout comme la touche d’humour typiquement britannique qui fait l’ADN de la saga. Mais en quittant l’Angleterre, Paddington 3 s’éloigne aussi de ce qui faisait son essence. Les derniers vestiges du cinéma britannique se retrouvent dans les inventions farfelues de Jonathan Brown, dont certaines rappellent étrangement celles de Wallace dans Wallace & Gromit, ainsi que dans l’utilisation ostentatoire du thème de James Bond lors de la poursuite.

Héritage de l’humour de King
Malgré une certaine frustration, l’aventure reste plaisante et menée avec soin. Loin d’être un désaveu, ce troisième opus témoigne surtout des défis d’une saga qui cherche à se réinventer sans perdre son âme. Douglas Wilson réussit à livrer un divertissement généreux, bien que moins audacieux et finement ciselé que ses prédécesseurs. Ainsi, Paddington au Pérou marque une transition qui, si elle ne comble pas toutes les attentes, laisse entrevoir un avenir encore prometteur pour le célèbre ours en duffle-coat. Reste à savoir si cette nouvelle direction saura conquérir le cœur des spectateurs autant que les premiers films l’avaient fait.
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