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Photo du rédacteurJu de Melon

[CRITIQUE] Toni en famille : Une femme et pas qu'un peu !

Dernière mise à jour : 19 août


Réalisation : Nathan Ambrosioni

Scénario et montage : Nathan Ambrosioni

Casting : Camille Cottin, Léa Lopez, Thomas Gioria, Louise Labèque, Oscar Pauleau, Juliane Lepoureau

Sortie : 6 septembre 2023

Durée : 1h36

Genres : Comédie dramatique, film familial

Sociétés de productions : Chi-Fou-Mi Productions, France 2 Cinéma, StudioCanal

Société de distribution : StudioCanal


Pour son deuxième long-métrage à seulement 24 ans, Nathan Ambrosioni s'attache une nouvelle fois les services d'une excellente actrice française ayant le vent en poupe. Après Noémie Merlant dans Les Drapeaux de papier (2018), c'est donc Camille Cottin (révélée au grand public notamment par la série Dix Pour Cent) qui a été choisie pour porter sur ses épaules les différentes facettes de Toni, ex-star éphémère de la chanson, devenue mère mais voulant enfin s'accomplir en tant que femme indépendante.


Résumé :


Antonia alias Toni, mère élevant seule ses cinq enfants, se consacre corps et âme à leur quotidien et travaille aussi le soir. En voyant ses deux grands préparer leur avenir post-Bac, elle se dit qu'il n'est peut-être pas encore trop tard à 42 ans pour envisager une reconversion professionnelle. Et si Toni pouvait enfin vraiment faire ce qu'elle voulait de sa vie ? Bien évidemment, rien ne sera simple.



Critique :


Le concept de comédie dramatique familiale a donné son lot de belles petites surprises ces dernières années dans notre paysage cinématographique (La Vraie Famille de Fabien Gorgeart avec Mélanie Thierry sorti l'an passé en est un bel exemple). La tâche n'était donc pas spécialement aisée pour le jeune réalisateur de rendre compte d'autant de tranches de vie en si peu de temps sur une réalisation devant à la fois rendre compte de la routine du quotidien, de sentiments en perpétuel bouillonnement d'adolescents en évolution et de dilemmes moraux d'une mère désirant enfin être une femme indépendante.


Focus sur chaque individualité au sein d'un même collectif…


Autant dire tout de suite que le pari est réussi, porté par une Camille Cottin prenant ce rôle très à cœur et distillant à son jeu une simplicité mêlée d'émotions justes, soutenant ainsi le combat d'une mère aimante qui sera toujours là pour les siens mais aussi cette lutte pour gagner enfin une forme de liberté, elle qui n'a connu jusqu'ici que divers enfermements de circonstances. Car Toni, son personnage, n'a jamais véritablement pu jouir d'un véritable contrôle, sous le joug d'une mère un peu étouffante (une seule scène dans le film suffisant à la caractériser ainsi) qui très jeune l'inscrivit de force à la Star Academy, la propulsant vers une célébrité plus subie que voulue. Jusqu'à cette porte de sortie maternelle la réduisant à un autre rôle, certes merveilleux, mais au-delà de ses propres décisions personnelles.


Et c'est tout l'art d'une prestation à visée féministe, la caractérisation d'une femme forte et même doublement forte dès lors qu'elle fait ce choix osé de carrière malgré son entourage et à un âge jugé trop avancé par tous, qui s'inscrit dans une écriture subtile et efficace. Car si Camille Cottin croit en ce projet, ce n'est pas par hasard : Ambrosioni maîtrise ici son sujet, aussi bien sur la forme que sur le fond, gérant lui-même le montage de son œuvre afin d'en parfaire un rythme soutenu et effréné (plusieurs plans fixes de corvées ou tâches ménagères suffisent à nous faire pénétrer le quotidien de cette mère dévouée) tout en les contrastant de moments nécessaires de pauses où réflexion et doutes s'exacerbent (ainsi certains plans sur une Toni à la limite de la rupture, en plein dilemme et presque du burn out). Le tout dans une subtilité remarquable, sans pathos forcé, équilibrant parfaitement ses moments de rire et de larmes, racontant tout simplement une vie de famille sur laquelle les choix viennent se répercuter et où chaque acte va avoir sa conséquence.


Car comme son titre l'indique, Toni en famille c'est certes Toni face à une potentielle nouvelle vie mais aussi son entourage. D'une caractérisation très écrite mais parfaitement réaliste, chaque ado ou pré-ado a son caractère, ses souffrances, son avenir en point de mire, formant ainsi un collectif de diverses individualités cherchant aussi à s'émanciper, à l'image de leur mère prête à tout donner pour son cocon familial mais désirant aussi voler de ses propres ailes. C'est sur ce magnifique paradoxe de générations que les passions se déchaînent avec force mais candeur, avec une justesse rare, et des idées de cinéma prouvant que Nathan Ambrosioni connaît déjà très bien son métier.


Dès l'introduction, le temps d'une séquence en huis clos embarquée dans la voiture familiale bien trop petite pour toute la famille (à l'image de cette maison où même les adolescents doivent être deux par chambre, rendant difficile l'intimité et montrant sans discours des conditions de vie modestes), les effusions se font ressentir, ça se chamaille et s'impatiente. Ca vit, tout simplement. Un motif intérieur mais toujours en mouvement (le huis clos automobile illustrant parfaitement un des motifs principaux de ce film où chacun·e veut avancer mais où les destins restent liés) que nous retrouverons en écho positif plus tard dans le film, sur la route, lorsque le tube "Pas qu'un peu" de feu Toni la star sera diffusé à la radio et chanté à l'unisson par toute la famille. Car ces individualités flamboyantes finiront toujours par se réunir, dans la joie et dans la peine.


Chacun sa route, mais tous ensemble !


La force de Toni en famille réside donc en sa faculté de ne presque rien survoler, de prendre son temps pour nous présenter chaque problématique, sans forcément appuyer dessus plus que de raison. Ce groupe familial vit ensemble mais vit aussi sa propre vie, le collectif a ses individualités marquées. La mère donc, mais n'oublions pas l'aînée qui veut intégrer une troupe de danse, se sentant peu soutenue par sa maman mais nous comprenons pourquoi au-delà des mots (méfiance envers une célébrité artistique trop précoce), le fils le plus âgé lui aussi en quête de reconnaissance sur YouTube et qui peine à se faire entendre le temps d'une importante révélation presque parasitée avec humour (mais surtout tendresse) par celle de sa petite soeur (l'enfant "entre les deux" qui sert souvent de miroir à sa mère). Et il y a les deux plus jeunes : si la fille est un peu moins mise en avant (seul point véritablement dommageable du film mais il faut bien faire des choix) c'est surtout le personnage de Tim qui bouleverse, le fils caractériel qui entre dans une adolescence difficile et se sent à l'écart de beaucoup de choses... Mais ce n'est que vers la fin du film, le temps d'une scène poignante nous prenant par surprise sans le moindre discours parasite que nous comprenons pourquoi. Rien que sur cet instant pour souligner une terrible absence, Ambrosioni nous prouve qu'il a tout compris.


Nous sommes ici en présence de ce qu'on appelle un "grand petit film", qui n'a pas la prétention de vouloir être un chef d'œuvre du Septième Art mais qui sait marquer par sa justesse et ses subtilités. Des actrices et acteurs totalement investis dans leurs personnages, Une écriture ciselée et un montage narratif malin, un ensemble réaliste et touchant ; autant d'éléments qui nous plongent dans un quotidien familial relevant presque du docu-fiction. Et au milieu de tout cela, ça fourmille de vie, ça bouge et ça nous remue. Toni en famille est donc un film à voir, seul ou en famille, et nul doute qu'il saura vous toucher si vous vous laissez porter par cette histoire à la fois simple et forte.


La note du rédacteur : 3.75/5


 

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