Réalisation : M. Night Shyamalan
Scénario : M. Night Shyamalan
Photographie : Sayombhu Mukdeeprom
Montage : Noëmi Preiswerk
Musique : Herdĭs Stefănsdŏttir
Acteurs Principaux : Josh Hartnett, Ariel Donoghue et Saleka Shyamalan
Sortie : 7 août 2024
Durée : 1h45
Genre : Thriller
Société de production : Blinding Edge Pictures
Société de distribution : Warner Bros. Pictures
Avec un retour inespéré de M. Night Shyamalan, au sein d'une certaine modestie économique dans l'écurie Blumhouse Productions. Depuis The Visit (2015), le cinéaste sorti de sa déchéance décortique le huis-clos pour en extirper une croyance envers l'art, au miracle envers son propre cinéma, lui-même cloisonné dans le rôle du réalisateur aux twists. Des super-héros cherchant l'exposition médiatique de leur existence dans le sublime Glass (2019) aux quatre cavaliers de l'apocalypse apportant la paranoïa dans Knock at the Cabin (2023), comme toujours avec Shyamalan rien n'est jamais simple. Exposant une radicalité perverse depuis l'expérimentation mélancolique dans Old (2021), La révélation attribuée au cinéaste comme finalité de ses œuvres étant simplement un point de départ, décelant une foi envers l'imaginaire, ce qui nous dépasse. Ce nouveau long-métrage vendant la mèche du sérial killer au sein d'un concert réussit-il à nous capturer à nouveau, vers les histoires de M. Night Shyamalan ?
Synopsis :
"Un tueur en série, surnommé The Butcher par la presse, rejoint sa fille Riley au concert de la popstar Lady Raven. Le père de famille réalise rapidement que la salle a été bouclée par la police pour l'appréhender. Il se retrouve ainsi piégé à l'intérieur de l'immense enceinte."
Critique :
Prestidigitateur hitchcockien
Si le concept incite au jeu du chat et de la souris entre les forces de l'ordre et le tueur Cooper Adams (Josh Hartnett), auquel Shyamalan, grand créateur de tension hitchcockienne, injecte la vision subjective "du boucher". Alliant différentes situations dès le début du long-métrage sur le piège qui se referme, aux différentes manigances, son personnage est le prestidigitateur du long-métrage. Dans Old, la révélation donnait du grain à moudre aux plans subjectifs. Le caméo traditionnel de Shyamalan était celui du filmeur des situations surnaturelles sur l'île de la vieillesse. Trap injecte l'idée que le concert est un lieu clos modulable pour le serial killer. Des observations subjectives, en passant par les éléments utilisés dans les situations retorses, du costume du père parfait aux yeux de sa fille. Un lieu-clos curieusement ouvert aux diverses interactions possibles, aux fausses pistes. Une ouverture ludique qui se referme dans une deuxième partie se déroulant hors du stade. À l'image d'un revirement vers le mal, une première pour Shyamalan, la mise en scène se module en conséquence. Le corps et les mimiques du diabolique Josh Hartnett se fondent dans ce jeu de piste dévoilant un ton comique mordant, poussant les traits du regard malicieux de Cooper, à celui du père idéal aux yeux des organisateurs du concert, en passant par la chanteuse Lady Raven (Saleka Shyamalan).
Observation et possibilités
Utilisant la situation pour exposer un tour de magie au sein d'une histoire faite de trucages, de personnages sortant du carcan de la réalité, le conteur M. Night Shyamalan expose une croyance aux ressorties miraculeuses du tueur. Ces personnages autant que son auteur croient aux forces dépassant l'existence factuelle. Les miracles aux capacités surnaturelles furent questionnés dans son cinéma autant que remis en interrogation. De la famille de Signes (2002) à celle de Knock at the Cabin (2023) interprétant la télévision comme véritable source des phénomènes sortant du réel, des aliens en passant par les catastrophes naturelles. Cette croyance bascule dans le mal, notamment explorée avec la dualité dans les ténèbres [1] de Split (2017). Cooper est le monstre shyamalien, le grand méchant loup dans la bergerie des fans de Lady Raven. Avec Trap, la place de prestidigitateur n'est pas usurpée ; de situations retorses à la perception perverse des choses, des trucages invraisemblables mais toutefois jouissifs. Créant une ironie dans son huis-clos le plus vaste avec un renferment familial plus claustrophobique, M. Night Shyamalan est autant aux portes de la croyance la plus pure que de la cruauté ludique. Une croyance envers des situations démêlées dans un soupçon de trucages cinématographiques, afin de percevoir les différents plans du Tom et Jerry maléfique. Si les traits paraissent grossiers, l'ensemble est plus complexe.
La bête dans la cage de la caméra
Un père pas si parfait ?
La bête chez Shyamalan est source ou née des conflits familiaux. Dans le revigorant Split, l'homme aux 24 personnalités (une nommée “La Bête”) était souvent en dialogue avec une psychologue. Le Dr Josephine Grant (Hayley Mills) étant la consultante pour déjouer les divers pièges et situations de Cooper. Observatrice des faits et gestes de sa proie, double jeu, que le cinéaste avait tissé dans Split, avec la dualité entre Casey Cooke (Ayna Taylor-Joe) et Kevin Wendell Crumb (James McAvoy). Cooper est donc autant une nouvelle bête pouvant se greffer à l'univers super héroïque de Shyamalan s'étant conclu avec Glass. Construction similaire, jusqu'en reprendre la bestialité de sa conclusion, le voile du monstre apparaissant aux yeux de sa famille. Shyamalan orchestre méticuleusement l'affiliation à sa filmographie. La figure paternelle d'Incassable étant dès lors substituée par le méchant de l'histoire, qu'il réalise des miracles pour sa fille comme monté sur scène pour pouvoir rencontrer son héroïne. Le père est la figure autant désacralisée qu’une source de questions morales.
De Good Daddy à Evil Dad !
Trap est autant tragique que malicieux sur son regard hitchcockien observant l'effondrement de la figure d'un père hanté par la figure maternelle comme un certain Norman Bates dans Psychose (1960), auquel Shyamalan reprend intelligemment une célèbre contre-plongée dans un salon familial. Cet espace devenant le plus claustrophobique à contrario de la salle de concert où les déplacements étaient de mise, se déplaçant de pièces en pièces, dans un climax où le contrôle se perd comme toute situation retorse chez le cinéaste. Plaçant une croyance envers la jeunesse, notamment Lady Raven interprété par une de ses filles Saleka Shyamalan, elle est la guérisseuse de la famille, notamment grâce à ses dons vocaux pour la jeune Riley (Ariel Donoghue). La sensibilité du tueur, la claustrophobie de la caméra, proviennent de la fragilité, de cet amour familial que portent tous les personnages de M. Night Shyamalan. Le concert n'est pas le réel point clivant de Trap, mais un jeu ludique. Le point d'ancrage est la bascule, quand le contrôle disparaît, la fissure apparaissant aux yeux du spectateur, croire que tout irait bien dans le monde magique de la famille Adams.
Guérisseuse au remède musicale
La note du rédacteur : 4/5
Note de bas de page :
[1] Référence à l’article « Duel dans les ténèbres » de Vincent Malausa, publié dans les Cahiers du cinéma, n°730, février 2017
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