Teddy Devisme est critique de cinéma pour Fucking Cinephiles, directeur artistique du festival Les rencontres du cinéma Britannique et auteur d'un essai publié en 2022 intitulé Les nouvelles voix du cinéma social britannique : 2009-2021. On le remercie de nous avoir accordé cet entretien allant de sa passion pour le cinéma Britannique à la création et les coulisses de la première édition du festival Les rencontres du cinéma Britannique qui se tiendra du 6 au 9 juin 2024 dans la ville d'Abbeville.
D'où t'es venue cette passion pour le cinéma Britannique ?
L'anecdote est très drôle, je l'ai même écrite dans mon livre. C'est en ayant vu un film spécifique au festival du film d'Amiens, à savoir Brève Rencontre (1945) de David Lean et je me suis dit, j'ai adoré. Je veux savoir qui est le réalisateur et ce qu'il a fait d'autre. J'ai parcouru toute sa filmographie et je pense que c'est la même année ou celle d'après où j'ai découvert Une question de vie ou de mort (1946) de Emeric Pressburger et Michael Powell qui est devenu par la suite mon film préféré. J'ai découvert beaucoup d'autres films par la suite qui m'ont donné envie d'en parler en sachant que c'est très peu vu en France et très peu exploité et qu'il y a un truc à faire.
Brève Rencontre (1945) de David Lean
Pourquoi avoir porté cette première édition sur la thématique de la couleur ?
C'était une idée qu'on avait depuis le projet de faire ce festival, je me suis dit pourquoi pas explorer la couleur pour une première édition pour avoir côté grand public. Une première édition, c'est une porte d'entrée, il faut que ça reste accessible et donc je me suis dit pourquoi pas explorer la couleur qui est un motif esthétique assez généraliste pour explorer plusieurs films, plusieurs thèmes, plusieurs questions.
Une question de vie ou de mort (1946) de Emeric Pressburger et Michael Powell
Une porte d'entrée sur le cinéma Britannique, où l'on retrouve diverses catégories dans ce festival.
On a la section Jeune Public on a la section Patrimoine sur laquelle est consacré la couleur, on a les Avant-premières et puis on a des Séances débats, même si elles sont incluses dans les autres catégories. On en a une notamment sur How to Have Sex (2023) de Molly Manning Walker et une table ronde avec Federico Pierotti (Professeur d’études cinématographiques, UPJV Amiens), Justin Kwedi (Journaliste et critique) et Pierre Boutillier (Réalisateur).
Comment se sont créées ces différentes sections, on le sait le cinéma Britannique a une grande connotation sociale, politique mais pas seulement, avec la section jeunesse notamment mais aussi avec le film d'ouverture qui est emblématique du cinéma Britannique, Les chaussons rouges (1948) de Emeric Pressburger et Michael Powell ?
Quand on parle de la couleur, c'était obligé de parler du technicolor, en Grande-Bretagne n'y ont pas échappé notamment avec Jack Cardiff qui est l'un des plus grands chefs opérateurs Britanniques spécialisé dans le technicolor. Il a notamment photographié Les chaussons rouges ou Le Narcisse noir (1947) de Emeric Pressburger et Michael Powell. Il était donc impossible de passer à côté du film Les chaussons rouges si on fait une première édition sur la couleur, comme porte d'entrée ça paraissait une évidence et après on essaye de décliner l'idée sur plusieurs thèmes et idées. Il y aura notamment un autre film en technicolor qui est une comédie, évidemment il y a les films de la Hammer avec l'extravagance de la couleur, il y a aussi la lumière naturelle puisqu'on parle de cinéma social et d'autres idées qui viendront lors de la table ronde sur la couleur au cinéma.
Les chaussons rouges (1948) de Emeric Pressburger et Michael Powell
Pourquoi le choix de la ville d'Abbeville qui n'est pas anodin en ayant une liaison avec le cinéma Britannique ?
Il y a deux liens particuliers, le premier qu'on veut mettre en avant, c'est que l'on vient tous de la région de Picardie, on habite à Amiens et on connaît le territoire de la Somme. C'est important aussi pour nous de faire un truc sur un endroit, un territoire qu'on connaît, pour la population qu'on connaît entre guillemets et du coup de leur proposer ça. En plus de ça dans les années 1990 début 2000, il y avait la semaine du cinéma Britannique par Raymond Défossé, une petite pensée à lui puisqu'il est décédé depuis. On s'est dit qu'il y a déjà un public qui était fidèle à ce festival, c'était donc logique de revenir et de leur proposer à nouveau un autre festival puisque ce n'est pas le même, c'est important de le préciser. C'est également une occasion de s'ouvrir sur la Picardie Maritime et de leur proposer ces films Britannique qui nous passionne puisqu’ils n'ont pas forcément la possibilité de les voir, Dinard c'est trop loin (Dinard Festival du film britannique en Ille-et-Vilaine, Nîmes (festival Ecrans Britanniques) également.
Est-ce qu'il y a une volonté d'étendre les possibilités le festival ?
C'est dans nos ambitions, oui, pour l'instant on est sur 4 jours, on verra à l'avenir si on augmente ou pas, là on a aussi une dizaine de créneaux, on verra si on peut augmenter ou pas et puis évidemment, pourquoi pas ne pas avoir lieu qu'à Abbeville mais sur toute la Picardie Maritime puisqu'il y a une décentralisation la semaine suivante. L'idée, c'est à long terme que cette décentralisation soit aussi pendant le festival, que tout le monde puisse profiter au même moment des films.
Comment s'est créé concrètement le festival (constitution de l’équipe, financement, …) ?
On est une équipe de sept actuellement plus deux membres dans l'association. Sept personnes ont travaillé sur ce festival pendant plusieurs mois, depuis novembre/décembre à peu près. Puis après, il y a eu les prises de contacts avec la ville d'Abbeville, avec leur service technique, avec le Centre culturel REX qui s'est fait aussitôt, c'est le premier qu'on a eu. Après les demandes de subventions évidemment, à la ville, au département, la recherche de sponsors, etc.
Comment s'est procédé le choix des films ?
Ça c'est toujours le plus compliqué de faire les choix des films parce que le cinéma Britannique est très peu exploité en France. Il y en a quand même qui le font comme ED Distribution qui a sorti Enys Men (2024) de Mark Jenkin ou Condor pour Aftersun (2023) de Charlotte Wells. Je pense aussi au coffret Hammer de Tamasa Distribution ou encore récemment il y a eu la ressortie de Appointment in London (1953) de Philip Leacock par le même distributeur. Il faut savoir qu'il y a à peu près 150 productions de films Britannique par an et il n’y en a même pas une dizaine qui sortent en France et là je pense seulement ceux qui sont purement Britannique et non en co-production américaine, sinon on en compte une cinquantaine. On doit faire avec ce qui est disponible en France, ce qui est compliqué, comme on est sur une première édition avec un budget très limité, on ne peut pas forcément payer des sous-titres pour tous les films ou payer des droits pour des films qui ne sont disponibles qu'en Grande-Bretagne. Les choix se réduisent donc au fur et à mesure et pour les avant-premières c'est pareil c'est selon ce qui est disponible, ce qu'on peut se permettre de payer en frais par exemple pour les sous-titres à créer, et on voit avec ceux qui vont sortir dans quelques mois et ceux qu'on peut prendre. En sachant qu'on a dix créneaux en ce moment pour les longs-métrages, il faut savoir équilibrer les avant-premières avec le cinéma de patrimoine sur ces dix créneaux.
Enys Men (2024) de Mark Jenkin
Qu’attends-tu de cette édition, qu'espère-tu en tirer ?
Et bien déjà le plaisir d'être avant chaque film pour les présenter, il n'y a pas que moi qui le fera bien sûr ! Et puis le plaisir de pouvoir discuter après la séance avec les spectateurs, en espérant qu'ils soient nombreux, en espérant qu'on continue à être soutenus par des partenaires, par des médias, etc... Pour pouvoir faire grandir le festival, puisqu'on ne propose pas que des films, il y a des animations pour garder le côté festif parce qu'on veut aussi ouvrir sur la culture Britannique.
La bande annonce est un exemple de cette ouverture à la culture Britannique. Comment a-t-il été imaginé ?
Une de mes consignes en tant que directeur artistique était que je ne voulais pas d'une bande annonce qui soit des extraits de films. On voulait quelque chose d'original, qui soit propre à nous, qui nous ressemble. Comme dans l'équipe on a un réalisateur, il a imaginé avec d'autres membres, ils ont créé un petit scénario et ils l'ont tourné, qui est donc devenu la bande annonce. On voulait un petit film à sketch qui puissent avoir des références aux films de la programmation, le petit défi est de tous les trouver. On voulait ce truc original de faire un petit sketch et d'avoir un truc amusant pour le côté festif.
TEASER - RENCONTRES DU CINÉMA BRITANNIQUE (2024) de Adam Wacyk et Mélanie Freitas
Il y a déjà des idées pour de futures éditions pour Les Rencontres du Cinéma Britannique ?
J'ai déjà mes thèmes pour la deuxième et troisième éditions, là je vais plus me prendre la tête avec la programmation parce qu'il y a des tas de films possibles pour ces deux thèmes que j'aimerais mettre. Pareil, il n'y aura que très peu de créneaux donc on verra bien. J'ai déjà les deux prochains thèmes, donc il y a plus qu'à.
Il y aura aussi une volonté d'étendre l'équipe si plus de budget se profile ?
On aimerait bien, pour l'instant on est une équipe tous bénévoles évidemment parce que budget très limité, une première édition, c'est normal on travaille tous bénévolement. Pour l'instant on est juste avec nos petits bras, on fait le nécessaire, on se débrouille, donc on espère que si le festival peut grandir et perdurer, évidemment construire une équipe un peu plus large pour qu’on puisse un peu plus répartir les tâches.
Est qu'il y a des films que t'aurais voulu programmé ?
Alors je ne vais pas donner de titres évidemment mais oui il y a des films que j'aurais bien voulu. Je vais peut-être citer un film parce que là ce n’est pas grave, c'est juste qu’il n’est pas disponible en France, il n'y a plus de DCP (Digital Cinema Package). Il n'y a plus de bobine donc c'est compliqué et si je l'aurais voulu il aura fallu payer beaucoup de frais à un ayant droit Britannique, compliqué pour une première édition. J'aurais bien voulu Une fille pour Gregory (1981) de Bill Forsyth.
Une fille pour Gregory (1981) de Bill Forsyth
Propos recueillis par Adam Herczalowski. La première édition du festival Les Rencontres du Cinéma Britannique se tiendra du 6 au 9 juin 2024.
Le site Les Rencontres du Cinéma Britannique :
TEASER - RENCONTRES DU CINÉMA BRITANNIQUE (2024) :
Instagram abbevillefilmfest :
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