Réalisation : Wim Wenders
Scénario : Wim Wenders, Sam Shepard, L. M. Kit Carson
Photographie : Robby Müller
Montage : Peter Przygodda
Musique : Ry Cooder
Acteurs Principaux : Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski
Sortie : 19 septembre 1984 (France)
Durée : 147 minutes
Genre : drame, road movie
Société de production : Road Movies Filmproduktion, Pro-ject Filmproduktion, 20th Century Fox
Société de distribution : Carlotta Films (France)
Synopsis :
"Travis déambule seul dans le désert texan. Destination : Paris, une bourgade de l'État où ses parents ont pour la première fois fait l'amour. Arrivé là, il s'évanouit puis se réveille à l'hôpital. Le médecin, ne parvenant pas à lui extirper le moindre mot, contacte son frère Walt. Ce dernier ramène Travis chez lui où il retrouve Hunter, son fils de 8 ans, qu'il a abandonné quatre années auparavant."
Analyse :
Etranger sur ses propres terres
Dès les premières minutes du long métrage, nous faisons face à la principale thématique du film : celle d’un homme totalement étranger dans son propre pays puisque le film ouvre sur un Harry Dean Stanton marchant vers l’horizon d’un désert texan, poursuivant un mirage de son passé. La rencontre avec son frère, interprété par Dean Stockwell, marque le début de cette redécouverte de la vie en Amérique. Nous pouvons comprendre la vision proposée par Wim Wenders comme celle d’un étranger grâce à la tutelle de Walt et surtout au vu du fait que le cinéaste idéalise voire caricature le mode de vie américain. Ainsi les restaurants sont tous devenus des fast-foods et des dîners, les vêtements sont tous très stéréotypés comme si les personnages sortaient tous de la petite maison dans la prairie, etc... En outre, le réalisateur dépeint ici la vision idéalisée de cet Eldorado occidental, une terre de rêve faisant fantasmer ceux qui n’y ont pas accès, n’en voyant que des bribes dans les films qui en viennent. Nous pouvons potentiellement y voir également un lien avec la situation de l’Allemagne dans la deuxième moitié du XXe siècle, divisée en deux par le rideau de fer, prenant forme a Berlin avec ce mur menaçant, dont va parler notre cher Wenders dans Les Ailes du Désirs, film dans lequel on symbolise le passage de Berlin Ouest à Berlin Est en nous rendant la couleur à l’écran et par le très apparent bonheur du protagoniste, Damiel, qui a métaphoriquement passé cette barrière afin de véritablement pouvoir vivre heureux avec la femme qu’il aime.
L'étranger dans la plaine fordienne
L’échec de l’Amérique
Cependant, malgré cette vision, Wim Wenders se permet tant bien même de critiquer le « Rêve Américain », cette vision du succès largement démocratisée depuis la conquête de l’ouest. Ici, cette mentalité passe en deux temps. Nous découvrons avec les yeux de Travis le quotidien de Walt et de sa femme Jane qui, tous deux, incarne le succès économique, social et familial voulue par cette vision. A l’opposé total, nous apprenons tout le long du film le passé de Travis qui l’a mené à entamer cette errance pendant 3 ans. Ainsi, on nous expose à l’écran la vie de couple des personnages d’Harry Dean Stanton et de Nastassja Kinski et de leurs projets de vie, en soit ceux d’une famille véritablement heureuse qui ont prévu de vivre une belle vie de famille avec Hunter, leur jeune enfant. Néanmoins, ce couple vole en éclat à cause de cet amour beaucoup trop conflictuel. Wim Wenders, dans cette histoire nous montre ce rêve sous deux angles : la réussite et surtout l’échec, marqué premièrement par Hunter qui sera élevé par son oncle et sa tante et qui ne reconnaitra pas son père lorsqu’il le retrouvera après ces trois longues années, par Jane qui pour subvenir aux besoins de son fils va se prostituer dans un peep-show — cet univers totalement pervers est d’ailleurs très tabou donc on peut voir ici une vraie intension du cinéaste de parler de choses assez inhabituelles à l’écran pour en quelques sortes briser la glace sur ce « rêve » — et par Travis qui va errer dans le désert pour trouver les vestiges de ces rêves d’antan, pour trouver ces terres tel un pionnier parcourant les grands espaces américain lors de la conquête de l’Ouest.
Une face cachée en plein jour
L’opposition des deux générations
Justement, en faisant un lien avec la conquête de l’Ouest, Wenders parle du changement de l’Amérique, de cette transition entre le côté traditionnel des Etats-Unis et cette modernité qui fait partie même de la culture de ce pays et qu’on retrouve beaucoup dans ce long métrage. En effet, Paris, Texas oscille entre deux tons, les deux premiers tiers du film vont voir ce côté classique être omniprésent à l’écran, laissant place à la modernité grâce à la première silhouette de Houston apparaissant comme un lieu de fascination, totalement mystérieux à l’image du personnage de Jane qui n’est, jusqu’à leur rencontre avec Travis dans le peep-show, qu’un mirage quasiment irréel, une énigme dont on aura la solution qu’au derniers instants du film. Ce changement passe aussi par la relation père et fils qu’entretiennent Travis et Hunter, deux personnages aux eusses et coutumes diamétralement opposées. Le protagoniste apprend à être une véritable figure paternelle pour cet enfant qui a grandi sans la présence de ses vrais parents, créant donc avant tout à un grand récit sur l’apprentissage de la parentalité. Ce clash intergénérationnel va laisser place à une belle synergie, de l’amour entre ces deux personnages qui trouve enfin un terrain d’entente sur leur désir premier, à savoir retrouver la femme qui leur manque afin de reconstruire cette famille, bien que cette relation se termine par la mère retrouvant le fils et par la fuite du père.
L'union de deux générations
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